Crise oblige, de plus en plus d'Espagnoles vendent leurs cheveux pour arrondir leurs fins de mois. Au grand bénéfice de Justino Delgado, exportateur de cheveux naturels pour perruques et extensions.

Cet entrepreneur madrilène, dont la petite boutique de cheveux naturels, qu'il récoltait au départ de village en village, est devenue en 50 ans une PME d'import-export, fait surtout venir ses nattes d'Asie (Inde, Chine), où ce négoce est de longue date très répandu.

Mais depuis quelques mois, alors que le chômage galopant frappe plus de 18% de la population active en Espagne, de nombreuses femmes se sont présentées au comptoir de son entrepôt.

Dernièrement «beaucoup de femmes viennent vendre leurs cheveux, ce matin même une jeune femme est venue avec sa queue de cheval et nous la lui avons achetée», explique à l'AFP Justino.

«Ca vaut entre 50 et 150 euros, il y a des femmes qui ont beaucoup de cheveux, et comme c'est selon le poids et la longueur, ça leur rapporte plus», ajoute-t-il.

Les consignes sont strictes: les mèches vendues doivent mesurer plus de 40 cm de longueur et n'avoir jamais été teintes.

Il s'agit parfois de «queues de cheval conservées depuis des mois dans un tiroir après un passage chez le coiffeur, mais qui sont de bonne qualité», souligne Yolanda, l'une des filles de Justino, qui travaille avec lui dans cette entreprise familiale d'une trentaine d'employés.

Ces nouvelles vendeuses sont une aubaine pour Justino, car les «cheveux européens sont plus fins, et très prisés, ils se vendent plus cher que les cheveux asiatiques par exemple», plus épais, explique Yolanda.

L'entrepôt de Justino, dans le sud de Madrid, conserve plus de 90 tonnes de cheveux naturels, blonds, bruns ou roux et bien brillants, répandus du sol au plafond sur de vastes étagères.

«C'est le stock le plus important au monde», assure fièrement son propriétaire.

Aujourd'hui, cet entrepreneur exporte près de 80% de sa production, notamment dans le reste de l'Europe et aux États-Unis.

Il bénéficie de la mode des extensions, très prisées des jeunes filles et adolescentes, qui ajoutent des mèches en les fixant à la racine de leur cheveux pour les épaissir ou les rallonger, à la façon des Africaines.

Avant d'être vendus, les cheveux sont savamment traités. D'abord lavés plusieurs fois par les employées, principalement des femmes, puis teints pour certains, «avec des machines secrètes, élaborées spécialement pour nous par un ingénieur», assure Justino, qui interdit au visiteur de les approcher.

Ils sont ensuite séchés, puis soigneusement peignés avec une carde, et enfin tressés.

L'entreprise essaie de s'adapter à tout moment à la demande des clients. «Les pays du nord de l'Europe demandent par exemple des couleurs très particulières», souligne Yolanda.

Les Allemandes sont ainsi friandes de châtains clairs peu courants en Espagne.