Le grand patron de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, trouve « scandaleux » que le CRTC songe à inclure Radio-Canada dans un éventuel régime de redevances sur les revenus des abonnements du câble.

Venu faire part de ses observations au CRTC ce matin dans le cadre des audiences publiques sur la question des redevances, le grand patron de Quebecor, qui plaide en faveur de l'instauration de redevances aux chaînes généralistes privées depuis trois ans, a souligné sa « vive opposition » à ce que son concurrent Radio-Canada puisse toucher sa part du gâteau des abonnements du câble.

« Je trouve ça simplement scandaleux, d'autant plus que ça servirait probablement à acheter plus de séries américaines comme ils le font depuis des années avec Beautés désespérées, Chère Betty, Perdus, Frères et soeurs, dit Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Quebecor Media. Naturellement, Radio-Canada dira toujours qu'elle manque d'argent... même si on lui donnait des milliards de plus, elle en manquerait encore. »

Si Radio-Canada, qui a comparu hier devant le CRTC, veut plus d'argent, elle devrait s'adresser au Parlement du Canada, selon Pierre Karl Péladeau. « Il n'appartient pas à un organisme réglementaire de décider du financement d'une société d'État, dit-il. C'est au Parlement canadien que revient la responsabilité de déterminer le niveau approprié de financement de la télévision publique. »

Et Télé-Québec? Quebecor ne veut pas que la chaîne publique québécoise ait accès à un éventuel régime de redevances. « C'est le même principe (qu'à Radio-Canada) qui s'applique », dit Pierre Karl Péladeau en réponse à une question du conseiller du CRTC Michel Arpin.

Quebecor a incité le CRTC à réduire les redevances de la chaîne d'information spécialisée RDI (une propriété de Radio-Canada), qui seraient trois fois plus élevées que celles de sa rivale LCN, propriété de Quebecor. Le grand patron de Quebecor a ensuite affirmé que les cotes d'écoute de LCN étaient trois fois supérieures à celles de RDI, avant de se rétracter et de s'excuser quelques minutes plus tard en soulignant que cette dernière affirmation était inexacte.

La solution Quebecor

Quebecor Media veut convaincre le CRTC d'octroyer des redevances aux chaînes généralistes privées, dont sa chaîne TVA. Le conglomérat médiatique a un atout dans sa manche : son câblodistributeur Vidéotron est le seul au pays à appuyer le paiement de redevances aux chaînes généralistes.

Pierre Karl Péladeau suggère de réformer le système des redevances sous la surveillance du CRTC durant une période de trois ans afin de ne pas créer de « rupture » ni de « chaos » au petit écran. D'autres chaînes généralistes comme CTV vont jusqu'à demander au CRTC un droit de retrait des ondes en cas d'échec des négociations.

Quebecor veut que le CRTC profite de l'occasion afin d'abolir l'obligation pour les câblos de distribuer certaines chaînes autant généralistes que spécialisées. « C'est cette mentalité qui fait en sorte qu'il y a une difficulté majeure d'en arriver à un compromis (sur la question des redevances)», dit Pierre Karl Péladeau.

La solution Quebecor insiste sur deux points. Primo, les redevances globales ne doivent pas augmenter. La tarte actuelle doit plutôt être séparée entre les chaînes généralistes et spécialistes. Secundo, elles doivent être déterminées sur la base de négociations. Les quatre critères à considérer dans les négociations seraient les cotes d'écoute, le budget de programmation, le budget de programmation canadienne, la rémunération du distributeur.

Quebecor, qui se désole que le CRTC ait ignoré ses requêtes pour des redevances depuis trois ans, estime que l'organisme fédéral n'a plus le choix. « Pensez-y bien, une fois que la télévision généraliste se sera écrasée, c'est le dernier clou du cercueil du système canadien de radiodiffusion qui aura été planté, dit Pierre Karl Péladeau. S'il n'y a pas de décisions rapidement, ou pire, si le CRTC procède par réglementation, le consommateur serait encore davantage incité à fuir vers l'internet.»

« Si nous voulons que la télévision généraliste de langue française puisse continuer à diffuser des émissions rassembleuses dont l'empreinte culturelle est significative, le rééquilibrage entre les généralistes et les spécialisées doit venir rapidement », ajoute Pierre Dion, président de TVA.

Quebecor, qui possède quelques chaînes spécialisées comme LCN, Argent, Prise 2 et Mystère, a eu des mots très durs pour l'ensemble des chaines spécialisées. « Les chaînes spécialisées roulent à fond de train sur les autoroutes neuves que nous leur offrons pour rejoindre leurs clients », dit Robert Despatie, président et chef de la direction de Vidéotron.

L'exposé de Quebecor Media a été louangé par le conseiller du CRTC, Michel Arpin. « Il s'agit d'une approche très constructive à l'égard des enjeux, a-t-il dit. Dans le débat qu'on a depuis quelques jours, c'est bon de voir que certains ont répondu aux questions qui ont été posées. »