Est-ce que les chaînes généralistes comme Radio-Canada, TVA et V doivent toucher une partie des revenus aux abonnements du câble au même titre que les chaînes spécialisées comme RDS, Canal D et VRAK.TV? Le CRTC se penche sur la question pour une troisième fois en trois ans.

Les audiences du CRTC, qui commencent ce matin à Gatineau et dureront tout l'automne, sont sous haute surveillance. Bell a déjà poursuivi le CRTC - et gagné sa cause en Cour d'appel fédérale - afin de changer l'ordre du jour. Rogers et Cogeco ont demandé sans succès au président du CRTC, Konrad von Finckenstein, de se récuser pour cause de partialité.

Ajoutez une campagne publicitaire de plusieurs mois - «Non à la taxe pour les câblos» et «Ma télé locale j'y tiens» pour les télés généralistes - et vous avez tous les ingrédients pour des audiences qui passeront à l'histoire. «Ça va être très émotif», dit Mirko Bibic, chef des affaires réglementaires de Bell Canada.

«Je ne me souviens pas d'audiences aussi importantes. Le CRTC n'a jamais autant menacé autant de choses en même temps «, dit Philip Lind, vice-président du conseil d'administration de Rogers.

«Le futur de la télé généraliste dépend de ces audiences», dit Steven Guiton, chef des affaires réglementaires à Radio-Canada.

Les chaînes généralistes et les câblos s'entendent donc sur un point : l'importance des audiences qui commencent aujourd'hui. Pour le reste, l'affrontement risque d'être musclé. «Les chaînes généralistes demandent un plan de sauvetage (bailout), dit Philip Lind, de Rogers. Elles n'ont jamais prouvé que leurs requêtes sont légitimes. À Toronto, le consommateur paierait entre 6$ et 10$ de plus par mois sans obtenir rien en retour.»

Une question de preuve

La dernière fois que le CRTC s'était penché sur la question des redevances du câble, il avait conclu que Radio-Canada, TVA, CTV et les autres chaînes généralistes n'avaient pas fait la preuve de leurs difficultés financières. «Le CRTC évolue dans sa réflexion, dit Isabelle Dussereault, vice-présidente des affaires publiques de Quebecor Média (propriétaire de TVA et Vidéotron). La dernière fois, c'était une question de preuve. Là, nous avons des exemples plus concrets de ce que nous avançons, nos résultats financiers notamment. Les chaînes spécialisées ont des marges bénéficiaires au-delà de 40% tandis que les généralistes ont des marges de 7,5%.»

Les chaînes généralistes feront valoir de nouveau qu'elles ne peuvent plus concurrencer les chaînes spécialisées sans les mêmes sources de revenus. «Les Québécois paient pour des chaînes qu'ils ne regardent pas et ne paient pas pour les chaînes qu'ils regardent», dit Maxime Rémillard, coprésident et chef de la direction de V (anciennement TQS), qui se plaint aussi de la concurrence déloyale des chaînes spécialisées sur le marché de la publicité. «Parce qu'elles ont accès aux redevances du câble, les chaînes spécialisées peuvent être plus agressives sur le plan du prix de leurs publicités», dit-il.

Les audiences du CRTC auront lieu au cours des deux prochaines semaines. Le débat reprendra le 7 décembre alors que le CRTC tiendra une deuxième série d'audiences à la demande du gouvernement fédéral. Le gouvernement Harper veut connaître les conséquences de l'attribution de redevances aux chaînes généralistes pour les consommateurs - ce qui fait dire aux câblos qu'ils ont le gouvernement de leur côté. «Le gouvernement dit au CRTC de penser aux intérêts du consommateur, et les consommateurs ne veulent pas payer plus cher pour le câble», dit Philip Lind, vice-président du conseil d'administration de Rogers.

Le CRTC rendra sa décision au cours de l'hiver. Rogers, Cogeco et Bell n'excluent pas la possibilité de prendre des recours judiciaires si la décision leur est défavorable.

 

LES SOLUTIONS PROPOSÉES AU CRTC

ROGERS, COGECO, BELL

- Pas de redevances pour les chaînes généralistes (le statu quo).

QUEBECOR

- Accès aux redevances pour les chaînes généralistes privées (Radio-Canada n'obtient rien) ;

- Redevances déterminées par négociations et arbitrage du CRTC.

RADIO-CANADA

- Accès aux redevances pour les chaînes généralistes ;

- Redevances déterminées par négociations et arbitrage du CRTC;

- Service de câble de base à faible coût partout au pays.