Les responsables américains qui songent à mettre fin aux stimulants économiques records risquent de répéter les mêmes erreurs qui ont plongé le Japon dans une stagnation de la croissance et qui ont fait perdre une décennie au pays, estime Richard Koo, de Nomura Research Institute Ltd.

«Il ne s'agit pas d'un rhume, ça ressemble plutôt à une pneumonie», a lancé M. Koo, auteur de Balance Sheet Recession, un ouvrage publié en 2003 et qui porte sur les ennuis qu'a connus le Japon après que ses marchés boursiers et immobiliers eurent sombré en 1990. «Nous avons encore besoin des dépenses gouvernementales, a-t-il dit, et cela pourrait prendre jusqu'à trois à cinq ans avant de sortir de ce bourbier, même dans les meilleures circonstances.»

 

Les commentaires de M. Koo font écho aux propos de divers économistes, dont Paul Krugman, lauréat du prix Nobel, qui avertissent que le retour des États-Unis à la croissance au cours de la deuxième moitié de 2009 ne signifie pas qu'une reprise soutenue soit assurée. L'administration Obama cherche à contenir le déficit budgétaire record de 1400 milliards US au moment où la croissance reprend et à sauvegarder la valeur du dollar, qui est mise à mal.

«S'il faut retenir une leçon de l'expérience japonaise, c'est qu'on ne doit pas mettre fin aux stimulants fiscaux tant que le désendettement du secteur privé n'est pas terminé», a estimé M. Koo, 55 ans, économiste en chef de la division de recherches de la plus importante maison de courtage du Japon. M. Koo a fait ces commentaires lors d'une entrevue dans ses bureaux à Tokyo la semaine dernière. «Lorsque nous verrons le secteur privé recommencer à emprunter, je serai celui qui criera le plus fort sur terre pour réclamer une réforme fiscale. Ce sera le moment de mettre fin aux stimulants», a-t-il dit.

M. Koo a calculé que l'éclatement de la bulle des actifs au Japon en 1990 a fait voler en fumée pas moins de 16 000 milliards US, soit l'équivalent de trois fois l'économie du pays. Les entreprises se sont alors concentrées sur le remboursement de leur dette plutôt que de lancer de nouveaux projets, ce qui a fait chuter la demande et provoqué un cycle marqué par la dégringolade des liquidités et des prix des actifs et la détérioration des bilans.

En ce moment, ce sont les consommateurs américains qui sont criblés de dettes. La dette des ménages américains s'est gonflée de plus de 10% chaque année de 2002 à 2005 alors que l'économie a progressé de 2,75% en moyenne.

La solution que préconise M. Koo, qui a déjà travaillé à la Federal Reserve Bank de New York, fait appel à des dépenses gouvernementales soutenues pour combler le vide laissé par la réduction des dépenses des consommateurs et des entreprises.

Les efforts de la Réserve fédérale américaine (Fed) sont insuffisants, a-t-il dit: «Les taux d'intérêt sont à zéro et rien ne se passe. Les entreprises et les ménages ne veulent pas emprunter de l'argent même à des taux de zéro; ils sont trop occupés à refaire leurs épargnes et à régler leurs dettes.»