Deux forces opposées et concurrentes pourront changer à terme la vigueur de la reprise de l'économie escomptée par la Banque du Canada.

Dans l'immédiat et jusqu'à ce qu'une tendance nette s'affirme, personne ne doute que les autorités monétaires reconduiront le taux directeur à son plancher de 0,25%, en vigueur depuis avril.

Personne ne doute non plus qu'elles réitéreront ce matin de le maintenir à ce creux historique jusqu'à la fin du printemps prochain «sous réserve des perspectives concernant l'inflation», selon la formule consacrée.

 

Depuis le 10 septembre, date précédente de la reconduction du taux cible de financement à un jour, les nouvelles économiques ont été divergentes.

Du côté de la demande intérieure, la création de quelque 30 000 emplois en août et septembre, jumelée à la forte reprise d'activité dans le marché immobilier résidentiel, font penser à plusieurs que la reprise s'annonce plus forte que ce à quoi on aurait pu penser encore durant l'été.

C'est d'ailleurs l'opinion qu'avait exprimée la Banque elle-même le 10 septembre: «La progression du PIB (produit intérieur brut) pourrait être plus vigoureuse pendant le deuxième semestre de 2009 que la Banque ne l'entrevoyait en juillet», lisait-on dans son communiqué.

Depuis, on a appris que la croissance avait été nulle en juillet. Les données sur le commerce extérieur et sur les livraisons des manufacturiers laissent aussi supposer qu'elle pourrait avoir été plus faible qu'escompté, en août aussi.

Pourtant, le scénario dessiné par la Banque en juillet tient remarquablement la route à maints égards. Elle avait jaugé à 3,5% le repli en rythme annualisé au deuxième trimestre. Statistique Canada l'a mesuré à 3,4%.

Elle prévoyait une faible croissance de 1,3% de juillet à septembre, un chiffre jugé faible par maints observateurs qui regrettent peut-être aujourd'hui leur débordement d'enthousiasme.

Elle s'attendait à ce que le taux d'inflation de base (sans les huit composantes les plus volatiles comme les fruits, les légumes, l'essence ou le gaz naturel) se situe à 1,5% au troisième trimestre. C'est le taux atteint en septembre.

Là où son scénario accuse une faiblesse certaine, c'est l'hypothèse d'un dollar canadien à 87 cents US d'équivalence. Il a franchi hier les 97 cents, portant sa moyenne depuis juillet au-delà des 92 cents. La parité avant la fin de l'année est dans la ligne de mire d'un nombre toujours plus grand de prévisionnistes.

On saura jeudi, avec la publication du Rapport sur la politique monétaire, dans quelle mesure elle change son scénario économique qui prévoit une croissance de 3,0% en 2010, une prévision jugée jovialiste par beaucoup.

En temps normal, la Banque aurait pu diminuer son taux directeur pour ramener le huard à des altitudes moins vertigineuses. Avec un taux à 0,25%, cette option a disparu. L'hypothèse lancée par certains pour une intervention sur le marché des changes tient mal la route. Les marchés monétaires sont trop gros désormais pour qu'une banque centrale puisse y mener seule une bataille.

Le meilleur remède dans les circonstances demeure la réitération de son engagement à garder le taux directeur à 0,25% de manière à décourager les spéculateurs qui parient sur une remontée plus prochaine du taux directeur.

Ce qui propulse avant tout notre monnaie, c'est le prix des produits de base et du pétrole en particulier qui se rapproche des 80$US le baril. Cette poussée est nourrie non pas tant par la vigueur de la reprise mondiale que par l'anémie du billet vert.

Cette faiblesse de la monnaie de refuge traduit à la fois une reprise du goût pour le risque par les investisseurs et leurs craintes alimentées par le déficit pharaonique de l'administration de Barack Obama.

Elle pourrait perdurer encore quelques mois et la Banque du Canada n'y pourra rien.