La maîtrise médiocre de l'anglais ou du français est la grande responsable de l'appauvrissement des nouveaux immigrants et de la sous-utilisation de leurs compétences.

Depuis 25 ans, leur bien-être économique se détériore, déplore Craig Alexander. Dans une nouvelle étude intitulée Litteracy Matters: Helping Newcomers Unlock Their Potential (La littératie compte pour aider les nouveaux arrivants à libérer leur potentiel), l'économiste en chef adjoint du Groupe financier Banque TD constate que la non-maîtrise d'une des deux langues officielles est une lacune sérieuse chez bon nombre de nouveaux immigrants. «Cela diminue leurs résultats sur le marché du travail», déplore-t-il, et représente une perte annuelle de 3,4 à 5 milliards de dollars pour l'économie canadienne.

M. Alexander constate que la situation de l'immigrant, sur qui repose le gros de la croissance démographique du Canada, se détériore. S'appuyant sur les données des recensements et de l'Enquête sur la population active réalisés par Statistique Canada, l'auteur constate qu'un nouvel immigrant (moins de cinq ans) gagnait 85 cents pour chaque dollar empoché par un Canadien de naissance durant les années 70. Ce n'est plus que 66 cents.

Avant, l'écart de revenu était comblé au bout d'une à deux décennies. Désormais, «le faible niveau initial signifie que l'écart va se prolonger plusieurs années durant».

À quoi cela est-il dû? La réponse de l'auteur est sans équivoque: à la connaissance médiocre d'une ou de l'autre des langues officielles, ce qu'on appelle un faible degré de littératie. Cela vient du fait que les pays d'origine des nouveaux arrivants ont beaucoup changé au fil des ans.

En 1981, 53% des immigrants n'avaient ni l'anglais, ni le français comme langue maternelle. C'est désormais 80%. Près de six immigrants sur dix venaient d'Asie en 2006, contre à peine 12% en 1981.

La barrière linguistique compromet l'utilisation optimale des compétences des immigrants. «Sans maîtrise adéquate de l'anglais ou du français, leurs études et leur expérience professionnelle ne seront ni reconnues ni mises en valeur convenablement», déplore-t-il.

Cela est d'autant plus coûteux que le gros des nouveaux arrivants est plus instruit que les Canadiens de naissance. Plus de la moitié de ceux qui sont arrivés entre 2001 et 2006 détiennent un diplôme universitaire, comparativement à 20% pour les nés ici. Selon une analyse du recensement de 2006, le quart des immigrants avec un diplôme universitaire détenait un emploi ne requérant que des études secondaires. «Pire, l'écart de revenus entre des immigrants et des Canadiens de naissance avec des diplômes d'études postsecondaires est encore plus grand que celui entre ceux qui ne possèdent pas de tels diplômes», se désole M. Alexander. Bref, détenir des qualifications ou des diplômes ne permet pas d'échapper à la pauvreté initiale associée au changement de pays.

En revanche, la maîtrise d'une des deux langues officielles le facilite. Plus la maîtrise est grande, meilleures sont les chances d'occuper un emploi et de gagner davantage.

Voilà pourquoi l'auteur préconise la mise sur pied de programmes d'apprentissage des langues officielles dont les résultats pourraient être comparables sur une base quantitative. De nombreuses initiatives tant publiques que privées existent au pays, mais on ne peut les comparer ce qui compromet leur utilité. «Il faut encourager les décideurs politiques à faire de la collecte et de la compilation de données sur la littératie un investissement prioritaire», dit l'auteur.