La Réserve fédérale américaine (Fed) redouble de prudence pour s'assurer que la reprise désormais visible de l'activité économique soit durable.

Voilà pourquoi elle ne se contente pas de reconduire la fourchette de négociation, mise en place en décembre, de son taux directeur au «niveau exceptionnellement bas» de zéro à 0,25% «pour une période prolongée». La Fed réaffirme aussi que l'inflation restera faible pendant quelque temps encore.

À l'unanimité, les membres de son Comité de politique monétaire indiquent aussi qu'elle va ralentir le rythme de ses achats de titres adossés à des créances hypothécaires (TACH) et de créances de ces émetteurs de titres afin de donner plus de temps aux marchés pour prendre le relais.

La Fed s'était engagée à acheter 1250 milliards de TACH et 200 milliards d'obligations émises par Freddie Mac et Fannie Mae d'ici la fin de l'année. Le délai est prolongé jusqu'à la fin du premier trimestre de 2010. Freddie et Fannie ont été mises en tutelle il y a un an.

«En août, elle avait agi de même en annonçant qu'elle étendait d'un mois, jusqu'à la fin d'octobre, son programme de rachat de 300 milliards de titres de dettes du gouvernement américain (Treasuries)», rappelle Sal Guatieri, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

Ces trois programmes représentent les moyens inhabituels mis en place par les autorités monétaires américaines pour stimuler l'économie quand elles eurent épuisé l'effet d'abaisser le taux directeur.

Jusqu'ici, la Fed a acheté 862 milliards de TACH et 129,5 milliards en obligations de Freddie et de Fannie, ce qui aura facilité «l'augmentation de l'activité dans le secteur de l'habitation».

«La Fed réaffirme sa volonté de soutenir l'économie pour la remettre en santé bien qu'elle entend diminuer le dosage», explique Millan Mulraine, économiste chez TD Valeurs mobilières.

Les mesures d'assouplissement quantitatif de la Fed dans le secteur immobilier ont poussé à la baisse les taux d'intérêt hypothécaires.

Leur interruption soudaine aurait pu provoquer une hausse de 50 à 100 centièmes des taux hypothécaires de 30 ans, les plus populaires aux États-Unis, selon Peter Hooper, économiste en chef de la Deutsche Bank à New York, cité par l'agence Bloomberg.

Le communiqué de la Fed souligne que ses efforts, de même que ceux du gouvernement, jumelés aux forces du marché, «soutiendront un renforcement de la croissance économique et un retour graduel à des niveaux plus élevés d'utilisation des ressources» même si l'activité restera faible pendant quelque temps encore.

Il s'agit d'un ton nettement plus optimisme que celui adopté dans son communiqué du 12 août, où elle parlait plutôt «d'une contribution à un retour graduel à de la croissance soutenue».

«La Fed est maintenant en mode d'attente, estime Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Avant de procéder à un changement de politique, elle voudra s'assurer que la reprise est durable.»

Si tel est le cas, la Fed paraît en harmonie avec la Banque du Canada. Son gouverneur, Mark Carney, a affirmé mardi soir que la reprise présente résulte des moyens extraordinaires déployés par les autorités monétaires et politiques. «Il y a du chemin à faire avant d'assister à une vraie croissance, une croissance attribuable au secteur privé.»

Cette interprétation est celle retenue par les marchés boursiers très enthousiastes depuis quelques mois. Après quelques minutes d'euphorie suivant l'annonce de la Fed, ils ont battu en retraite. Plusieurs investisseurs craignent un retrait prématuré des moyens extraordinaires déployés pour sortir l'économie de sa torpeur.

Cela pourrait survenir plus vite que ce que suggère le communiqué de la Fed. «Les dernières semaines ont révélé que la situation peut s'améliorer relativement rapidement autour d'un point de retournement du cycle économique, rappelle Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. Il deviendra évidemment de plus en plus difficile de justifier le maintien des taux à zéro dans un avenir prévisible.»