Maintenant que la reprise se montre le bout du nez et que les capitaux ont retrouvé leur fluidité, les investisseurs floués et les contribuables qui paieront la note de la crise financière attendent une seule chose de leurs gouvernements: qu'ils fassent en sorte que ça ne se reproduise plus.

C'est pourquoi les dirigeants des 20 pays les plus industrialisés qui se réuniront la semaine prochaine à Pittsburgh ont mis la réglementation du secteur financier à leur menu principal.

Ils doivent trouver des moyens de limiter la rémunération excessive des dirigeants d'entreprise, d'empêcher la spéculation excessive sur le pétrole et de protéger les investisseurs contre les fraudeurs ou les produits financiers viciés comme les PCAA.

C'est tout un programme, où deux philosophies vont fatalement s'opposer, celle des Européens, qui usent facilement de l'arme de la réglementation, et celle des Américains, qui, au contraire, veulent éviter de brimer les marchés.

À 20 autour de la table, les chances sont minces que des solutions concrètes à des problèmes aussi complexes voient le jour. Il le faudra pourtant, estime Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées.

«Ça va se faire progressivement, mais c'est vers là qu'on s'en va», a-t-il expliqué, au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

Michel Nadeau souligne que la gestion des risques de marché est de plus en plus une question internationale, qui exige des actions internationales.

C'est déjà commencé avec les paradis fiscaux, où l'action concertée des principaux pays industrialisés a réussi à tordre le bras à la Suisse et à d'autres pays permissifs en matière fiscale, a-t-il illustré.

L'Europe et les États-Unis ont déjà des vues passablement différentes sur la rémunération des dirigeants d'entreprises privées.

Les Européens voudraient limiter les primes et même forcer leurs récipiendaires à rembourser les sommes encaissées si les résultats se détériorent dans les années suivantes.

Une telle intervention dans les pratiques des entreprises privées est très mal vue des Américains et même le président Barack Obama a tenu à le dire publiquement. «Nous sommes dans un pays où, de manière générale, on ne dit pas: vous ne pouvez pas payer les gens à un niveau, quel qu'il soit, à partir du moment où dans le privé, le marché dit qu'il est prêt à l'accepter», a-t-il dit.

La rémunération n'est pas le plus complexe des problèmes qui seront abordés à Pittsburgh jeudi et vendredi prochains. Il y a aussi la question des produits dérivés, qui ne sont pas réglementés et le rôle des agences de cotation, qui a contribué à la crise financière. Des plus grosses banques aux simples investisseurs, en passant par les assureurs et les fonds de couverture, à peu près tout le monde sera touché par les décisions qui seront prises au sommet.

Pour arriver à quelque chose, les pays devront trouver un compromis entre la coordination internationale et l'indépendance des marchés, selon Michel Nadeau. Le risque est un ingrédient nécessaire au fonctionnement des marchés, convient-il. «Il ne faut pas stopper l'innovation mais être vigilant.»

La prochaine rencontre des leaders des pays industrialisés est importante, mais elle ne risque pas de déboucher sur l'unanimité, croit Michel Nadeau. «Il ne faut pas penser qu'une autorité mondiale des marchés financiers va voir le jour, mais on va s'entendre sur certaines choses de base», prévoit-il.

Il a, selon lui, une obligation de résultat. «Les gouvernements ont tellement dépensé pour réparer les dégâts de cette crise, qui n'est pas une crise économique mais une crise financière provoquée par Wall Street.»