Les barrières de corail menacent de disparaître du globe, emportant avec elles l'équivalent de 170 milliards de dollars de «services» fournis gratuitement aux habitants de la Terre chaque année par ces écosystèmes, selon un rapport publié mercredi sous l'égide de l'ONU.

Ce rapport destiné aux décideurs politiques qui se réuniront dans trois mois à Copenhague pour décider de l'après-Kyoto laisse peu de place au doute : «le changement climatique menace les récifs de coraux d'une disparition imminente».

L'originalité du travail de l'économiste indien Pavan Sukhdev, à l'instar de celui du Britannique Nicholas Stern sur le réchauffement climatique, est de tenter de chiffrer le manque à gagner de la planète si cet écosystème venait à être détruit.

Il entend prendre en compte l'ensemble des services que les coraux et les organismes qui y vivent rendent aux êtres humains.

«Les services fournis par l'écosystème des récifs de coraux - qui vont de la protection des côtes à l'élevage de poissons - ont une valeur qui atteint jusqu'à 170 milliards d'euros par an», affirme Pavan Sukhdev, mandaté par l'Union européenne et le Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE).

Ainsi, un hectare de corail rapporte-t-il chaque année entre 80 000 et 1 000 000 de dollars, en «opportunités pour le tourisme et les loisirs», selon les estimations compilées par ce rapport.

La protection des littoraux contre les catastrophes naturelles, comme les inondations, est évaluée à entre 25 000$ et 34.000$ par an et par hectare de corail.

Les récifs de corail disparus, la planète devrait également dire adieu à plusieurs dizaines de milliers de dollars de services rendus en matière de diversité génétique, et des centaines de dollars de nourriture.

«Les barrières de corail ne sont pas seulement des lieux de vacances de luxe» mais «un écosystème à part entière», a souligné Achim Steiner, directeur du PNUE, lors de la présentation du rapport à Berlin.

Il tente aussi de chiffrer le coût d'une restauration des barrières de coraux: jusqu'à 542.000 dollars par hectare. Mais une telle opération rapporterait ensuite 129 000$ par an en services rendus, selon les premières estimations du rapport.

«Il est donc largement préférable de conserver ces écosystème que de les laisser se détériorer et de les restaurer ensuite», conclut-t-il.

L'idée d'estimer la valeur des services rendus par la nature fait son chemin, mais rencontre de nombreuses critiques, certains spécialistes soulignant la difficulté de chiffrer des services hors marché, d'autres une banalisation du patrimoine naturel.

Le rapport souligne d'ailleurs qu'au point où en sont les coraux, «les arbitrages à faire ne sont plus simplement des analyses coût/bénéfice», mais «des choix éthiques».

Le taux de CO2 dans l'atmosphère est aujourd'hui de 387 ppm (partie par million), mais pour sauver les barrières de corail, il faudrait un taux «bien inférieur à 350 ppm», largement en-dessous des objectifs actuellement discutés.

«Accepter un objectif de stabilisation des taux de CO2 à 350 ppm signifie que la société a décidé de se passer des récifs de coraux», soulignent les auteurs du rapport, dont une version finale sera rendue en novembre.