Les pétrolières se sont remises à forer, les Canadiens ont acheté des maisons et plein d'autres biens, et les activités des grossistes ont retrouvé une partie de leur vigueur. Résultat: presque un an après avoir amorcé son pire recul depuis l'après-guerre, l'économie canadienne a enregistré un faible gain en juin.

Le soupir de soulagement pour cette croissance de 0,1% en début d'été est d'autant plus grand que la décroissance pour l'ensemble du deuxième trimestre (avril à juin) est plus importante que prévu, à -3,4%. Les économistes s'attendaient à un recul de 3%.

Pis encore, pour les trois premiers mois de l'année, Statistique Canada a revu en baisse la production de l'économie canadienne, à -6,1%, contre les -5,4% annoncés plus tôt. Il s'agit du pire résultat depuis le début de la publication de ce type de données, en 1961.

Alors, que penser de tout ça? «Dans ces choses-là, il y a toujours du bien et du moins bien», résume, ambivalent, Carlos Leitao, économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Le bien, c'est évidemment la hausse de juin. Mais M. Leitao voit quand même trois éléments qui l'inquiètent dans les données publiées hier matin. D'abord les exportations qui «demeurent très faibles».

Ensuite, il y a l'investissement privé, celui des entreprises qui se montrent hésitantes à allonger leurs huards en vue de la reprise. «Si les entreprises n'investissent pas, elles n'engageront pas non plus», craint-il.

Enfin, et il n'est pas le seul à le noter, il y a les stocks, ces marchandises non vendues que les entreprises canadiennes n'arrivent pas à écouler, ce qui risque de retarder la reprise. «Le cycle d'inventaires ici n'est pas aussi avancé qu'aux États-Unis.»

La fin de la récession?

La question que plusieurs se posent sans doute: est-ce que cette croissance en juin - le premier mois positif depuis juillet 2008 - marque la fin de la récession au Canada? Quatre des six économistes sondés par Bloomberg croient que oui et s'attendent à ce que la croissance soit au rendez-vous pour le trimestre en cours. Leur prévision moyenne est de +0,95%, incluant les deux qui voient un autre recul cet automne. En juillet, la Banque du Canada disait s'attendre à une croissance de 1,3% pour la même période.

En fait, en lisant les commentaires des analystes hier, on était loin de constater une euphorie généralisée. Krishen Rangasamy, de la CIBC, était sans doute parmi les plus optimistes avec son «La récession canadienne est finalement terminée».

Notez l'emploi d'expressions plus prudentes de la part de Jimmy Jean, de Moody's Economy.com: «Le Canada semble sortir de la récession, écrit-il. Même si les ventes de voitures et de maisons ont augmenté, le chômage et de faibles revenus vont affecter négativement les consommateurs.»

Faisant également preuve de prudence, Sherry Cooper, de BMO Marché des capitaux, écrit: «L'amélioration du PIB en juin, le retour rapide de l'immobilier et de la confiance des consommateurs de même que la stabilisation de l'économie américaine suggèrent que la récession canadienne est en train de prendre fin.» Et plus tard, elle ajoute que «la force et le caractère durable de la reprise restent à établir».

Ton semblable de la part de Benoit Durocher, économiste principal chez Desjardins: «Certains signes d'une embellie des conditions économiques sont indéniables. La demande intérieure prend du mieux grâce, entre autres, à une augmentation significative de la confiance des ménages. Cela dit, les ajustements ne sont pas complètement terminés au sein de l'économie canadienne (...), la plus récente prévision de la Banque du Canada concernant le PIB réel au troisième trimestre (+1,3%) apparaît optimiste.»

Même le ministre fédéral des Transports, John Baird, qui est aussi responsable du programme d'infrastructures, a fait preuve hier de modération, parlant d'une reprise qui semble «hésitante et fragile». «Bien qu'on aperçoive la lumière au bout du tunnel, nous sommes encore en pleine récession mondiale», a-t-il souligné.

Le portrait de Statistique Canada

Au deuxième trimestre

«Le PIB réel a diminué à un taux annualisé de 3,4% au deuxième trimestre, comparativement à une baisse de 1% de l'économie américaine.»

Consommation

«Les dépenses de consommation en biens et services ont progressé de 0,4%. L'augmentation des dépenses en biens durables (+1,5%), plus particulièrement en véhicules automobiles, a contribué à la hausse notée au deuxième trimestre.»

Revente de maisons

«Les coûts de transfert de propriété liés à la revente de maisons ont fait un bond de 40%. Ce rebond compense une baisse dans la valeur de la construction résidentielle neuve. La rénovation était aussi en hausse (+2,2%), après avoir diminué pendant la majeure partie de 2008.»

Investissement des entreprises

«Les entreprises ont continué à réduire l'investissement en bâtiments et en ouvrages de génie.»

Investissement des gouvernements

«L'investissement des administrations publiques en bâtiments et en ouvrages de génie s'est accru de 4,7%, soit la 11e hausse trimestrielle consécutive.»

Les stocks diminuent

«Les stocks ont diminué de façon marquée pour un deuxième trimestre consécutif (...) Le ratio des stocks aux ventes pour l'ensemble de l'économie a affiché une légère hausse pour atteindre 0,79, soit l'équivalent de 72 jours de vente. Il s'agit du niveau le plus élevé inscrit depuis 1996.»

Commerce international

«Les importations ont diminué de 2,2% au deuxième trimestre. Il s'agit d'une quatrième baisse trimestrielle consécutive, mais elle n'a pas été aussi marquée que celles observées au cours des deux trimestres précédents.»

«Les exportations de biens et de services ont diminué de 5,2% au deuxième trimestre, après avoir reculé de 8,7% au premier trimestre. Les baisses ont touché la plupart des catégories de produits, plus particulièrement les machines et le matériel, les biens et matériaux industriels ainsi que les produits de l'énergie.»

Bénéfices des sociétés

«Comme au cours des deux trimestres précédents, des bénéfices plus faibles ont été enregistrés par les secteurs de l'énergie, des mines et de la finance.»

Rémunération

«La rémunération des salariés a baissé de 0,5%. La rémunération du secteur des entreprises a affiché une baisse de 1,1%, tandis que celle du secteur des administrations publiques a augmenté de 1,3%.»

En juin: faits saillants

«Les secteurs de l'extraction pétrolière et gazière, du commerce de gros ainsi que des agents et courtiers immobiliers ont contribué le plus à la croissance du PIB. Les activités du commerce de détail, de la finance et de l'administration publique ont également augmenté. Par contre, les baisses du secteur de l'extraction de minerais métalliques, de la fabrication et, dans une moindre mesure, de la construction ont fait contrepoids.»

«En juin, le secteur de la fabrication a baissé de 0,7%, 14 des 21 grands groupes ayant diminué. La fabrication de biens durables s'est repliée de 1,4%, tandis que celle des biens non durables a progressé de 0,1%.»

«Le marché de la revente de maisons a encore une fois fortement progressé, ce qui s'est traduit par une augmentation de 8,3% des activités des agents et des courtiers immobiliers. Le secteur de la construction a cependant reculé de 0,5% en juin.»