Un bon vieux patch informatique. Voilà comment Microsoft pourrait tout bêtement contourner une ordonnance de la cour fédérale américaine qui l'obligera à cesser de vendre son populaire traitement de texte Word d'ici la mi-octobre pour cause de violation de brevet.

Dans une ordonnance qui a stupéfait le monde informatique, le juge Leonard Davis, de la cour fédérale du Texas, a également ordonné mercredi à Microsoft de verser 290 millions en dommages à la petite firme torontoise i4i pour l'utilisation sans licence de sa technologie.

Dans les minutes qui ont suivi le jugement, l'entreprise fondée par Bill Gates a juré qu'elle porterait la cause en appel. Advenant une victoire, elle pourrait s'épargner les millions en dommages punitifs. Mais l'injonction interdisant la vente de Word d'ici 60 jours est réputée irrévocable. N'empêche, le géant de Redmond n'est pas à court d'options, estiment les agents de brevet consultés par La Presse Affaires. L'ordonnance du juge Davis laisse plusieurs portes de sortie au géant du logiciel.

«Quoi qu'il arrive, Microsoft pourra toujours continuer à vendre Word si elle apporte certaines modifications au logiciel. Une simple patch pourrait faire l'affaire. C'est beaucoup de trouble pour elle et pour tous les développeurs d'applications parallèles, mais c'est une possibilité», résume Nicolas Pellemans, agent de brevet pour la firme lavalloise Ipaxia.

À la base, il faut comprendre que la poursuite pour violation de brevet intentée par i4i ne visait pas l'ensemble du logiciel Word, mais plutôt une fonction très spécialisée appelée «Custom XML», qui permet de créer des formulaires personnalisés pour entreprises (si on résume grossièrement). Cette fonction a dûment été brevetée par i4i en 1998. Mais Microsoft a sciemment fait fi du brevet, jugeant que celui-ci était trop vague. Heureusement pour Microsoft, dans son ordonnance, le juge Leonard Davis indique clairement que l'interdiction de vendre Word ne s'appliquera pas si Microsoft «élimine toutes les fonctions Custom XML».

«Ce genre d'ordonnance est assez fréquent pour des produits qui incorporent des inventions brevetées, explique George Locke, spécialiste de la propriété intellectuelle au cabinet Ogilvy-Renault. On en voit à l'occasion dans le domaine de l'aviation. Parfois la solution utilisée par un constructeur consiste tout simplement à changer un bouton», explique-t-il.

Une autre option : acheter le brevet

Bon an mal an, le bureau américain des brevets et de la propriété intellectuelle enregistre pas moins de 450 000 demandes pour des brevets d'inventions diverses. Les entreprises qui oeuvrent dans le domaine des technologies doivent donc être particulièrement prudentes lorsqu'elles développent de nouveaux produits. «Une entreprise ne peut pas savoir tout ce qui se dépose comme brevet, d'autant plus que les demandes ne sont rendues publiques que 18 mois après le dépôt. Quand un litige survient, la solution, c'est de s'entendre», indique M. Pellemans. Les ordonnances semblables à celle qui vient d'être émise contre Microsoft, de plus en plus fréquentes aux États-Unis, peuvent donc être contournées en tout temps si les entreprises fautives acceptent de se parler et... délient les cordons de leurs bourses. On se souviendra que Research in Motion, fabricant des téléphones BlackBerry, avait choisi cette approche en acceptant de verser la rondelette somme de 615 millions en 2006 à NTP pour mettre fin à une poursuite pour violation de brevet.

«Microsoft peut encore en arriver à une entente pour racheter le brevet de i4i ; il n'est jamais trop tard pour s'entendre», explique Adam Mizera, agent de brevet pour la firme Robic. Cette avenue risque toutefois de s'avérer tout aussi onéreuse pour Microsoft. «Typiquement, une licence de brevet représente environ 5% des ventes d'un produit. Mais ça peut être plus. Et dans ce cas-ci, avec la décision qui a été rendue, il n'y a pas de doute, le prix que va demander i4i ne sera plus le même qu'il y a un an ou deux», croit l'agent de brevets.