La Banque du Canada a pris connaissance de fuites suspectes de données économiques des semaines avant que des fluctuations suspectes sur les marchés des devises entraînent une vérification de la sécurité par Statistique Canada, selon des documents obtenus par Bloomberg News.

Les dossiers de 54 pages obtenus en vertu des Lois sur l'accès à l'information font état de discussions entre le 17 avril et le 28 mai derniers entre des dirigeants de la Banque du Canada, y compris les sous-gouverneurs David Longworth et Pierre Duguay. La banque centrale a reçu des courriels et des messages téléphoniques insinuant que les rapports de Statistique Canada sur le chômage et l'inflation ont fait l'objet de fuites pendant des mois.

Statistique Canada a indiqué qu'elle avait mené des enquêtes sur ses procédures à deux reprises au cours du mois de mai sans rien relever de répréhensible, mais les documents obtenus par Bloomberg démontrent que les préoccupations des investisseurs existaient avant cette période et que la Banque du Canada était au courant de la situation.

Le 17 avril dernier, la banque centrale a reçu un tuyau à propos de fuites possibles qui ont pu fausser le marché du dollar canadien, une affaire de 38,5 milliards US par jour, dès janvier dernier.

«Au premier coup d'oeil, il semble que quelqu'un a pu avoir connaissance de ces données délicates», soulignait un courriel venu de l'extérieur et reçu le 17 avril par Rob Ogrodnick, analyste principal au bureau de Toronto de la Banque du Canada. L'identité de l'expéditeur a été éditée, de même que d'autres parties des documents.

Les conjectures à propos d'une fuite se sont intensifiées le 8 mai dernier parce que le huard s'est apprécié de 0,7% au cours de l'heure qui a précédé la divulgation du rapport de Statistique Canada sur l'emploi. Le dollar canadien a fait un bond de 1,8% après la publication du rapport, qui faisait état d'une hausse inattendue de l'emploi.

«Comme vous dites, les résultats étaient inexacts sur le plan numérique, mais ils n'étaient pas loin de la vérité en esprit, c'est-à-dire bien meilleurs que prévu et positifs en fait», a écrit le 8 mai dernier Paul Chilcott, directeur de la division des marchés financiers de la Banque du Canada, en faisant référence à un courriel transmis à la banque.

M. Longworth a reçu un courriel à la suite de la publication des résultats dans lequel une personne non identifiée écrivait qu'ils «entendent dire constamment que les données de Statistique Canada ont fait l'objet de fuites, comme aujourd'hui».

Dans une autre réponse, Janone Ong, analyste de la division des opérations de la Banque du Canada, écrivait à une autre personne qui avait appelé pour signaler la même chose.

Scott Kinnear, analyste principal dans la même division, a écrit qu'une personne «a téléphoné avant la diffusion du document et dit que les rumeurs portaient sur la création de 10 000 emplois». Le rapport de Statistique Canada signalait un gain de 35 900 emplois, comparativement à la prévision des économistes qui s'attendaient à une perte de 50 000 emplois.

«La Banque du Canada n'a pas l'autorité voulue pour déterminer s'il y a eu une fuite à Statistique Canada», a souligné lundi Jeremy Harrison, porte-parole de la banque centrale.