Même s'il n'a pas officiellement participé au programme Apollo, le Canada a développé programme spatial parallèle qui a mené à une industrie nationale qui tire aujourd'hui son épingle du jeu. Et qui pourrait bien être de la prochaine expédition vers la Lune ou vers Mars.

«Nous sommes à l'étape des programmes préparatoires et des groupes de travail internationaux, dit Gilles Leclerc, directeur général des technologies spatiales à l'Agence spatiale du Canada (ASC).  On est en train de voir ce qu'on peut faire dans les créneaux technologiques qu'on a développés jusqu'ici.» «Sans s'avancer, il y a de très bonnes chances, et c'est notre volonté, que le Canada fasse partie de ces grands projets d'exploration internationaux», a-t-il précisé en entrevue.

Dans le dernier budget fédéral, l'ASC a reçu 110 millions pour développer la prochaine génération de bras canadiens et des prototypes terrestres pour des véhicules pour la Lune ou Mars.

Neptec, à Ottawa, a déjà obtenu deux contrats pour étudier des concepts d'applications potentielles pour des voyages vers la Lune ou Mars, a indiqué à La Presse Affaires le gestionnaire de projet Stéphane Ruel.

Il est question de concepts de véhicules pour la mobilité sur la Lune, mais aussi pour l'extraction et l'analyse de ressources. Ou encore de systèmes de visions particuliers, une spécialité développée par Neptec - la caméra qui inspecte les tuiles thermiques de la navette a été conçue par l'entreprise.

Le Canada et Apollo

Dès la fin des années 50, le Canada a développé un programme spatial parallèle à celui des Américains. Le programme a été marqué par le lancement du satellite Alouette, le 28 septembre 1962, qui faisait du Canada la troisième nation spatiale après l'URSS et les États-Unis.

«C'était un programme à vocation scientifique et pratique basé entre autres sur l'étude de la haute atmosphère et des ondes radio», explique Gilles Leclerc.

Pendant ce temps, les Américains faisaient cavalier seul dans leur course spatiale contre les Soviétiques. La participation canadienne à Apollo s'est traduite par quelques participations industrielles (les pattes du module lunaire fabriquées chez Héroux, ou une antenne extensible conçue à Toronto) et le rôle de certains ingénieurs ou médecins canadiens employés par la NASA . Un Canadien, Owen Maynard était chef du génie des systèmes du vaisseau Apollo.

Reste que la joute entre les deux Grands a quand même profité à l'industrie canadienne, selon le président-directeur général de l'Association des industries aérospatiales du Canada, Claude Lajeunesse.

«Sans la course à l'espace, l'industrie ne se serait pas développée au même niveau. L'élan qui a été donné par Spoutnik, puis par les Américains a fait que beaucoup de pays, dont le Canada, se sont intéressés de beaucoup plus près à l'espace.»

Le Canada n'a joint le programme des vols habités qu'à l'arrivée des navettes, à la fin des années 70. «Il y avait des besoins en robotique, et le Canada a développé le premier bras canadien (Canadarm), dit Gilles Leclerc. Ce fut en quelque sorte le billet pour les astronautes canadiens.»

L'industrie canadienne s'est spécialisée dans trois principaux domaines: la robotique, les télécommunications par satellite et l'observation de la Terre (notamment via les satellites Radarsat).

Un autre idéal

Mais l'industrie spatiale suscite-t-elle les mêmes passions qu'autrefois?

Chez MDA Systèmes satellitaires, à Sainte-Anne-de-Bellevue, on constate que plusieurs Montréalais ignorent l'existence de cette entreprise, appelée autrefois Spar Aérospatiale, qui joue pourtant un rôle clé dans les technologies satellitaires depuis 50 ans.

«La lune, c'était un idéal, une stimulation et un attrait pour toute une génération, dit Marc Donato, vice-président et directeur général de la division montréalaise de MDA. Aujourd'hui, c'est un nouvel idéal, celui de donner des services.»

«Le Canada a des besoins dans l'espace, que ce soit en ce qui concerne la météo, des pêches ou l'Arctique, ajoute-t-il. Mais cela n'apporte pas la même émotion, c'est certain.»

Mais selon Claude Lajeunesse, l'engouement pour l'espace ne s'est pas perdu. «L'attention portée à Julie Payette actuellement montre qu'il y a encore de l'intérêt.»

L'industrie spatiale canadienne est composée d'environ 30 grandes entreprises, appuyées par plus de 150 sociétés de plus petite envergure, et génère quelque 2,5 milliards de revenus. Environ 6500 personnes oeuvrent dans l'industrie, et au moins le tiers sont des scientifiques ou des ingénieurs.