La Bourse regorge de dictons, maximes et autres adages censés indiquer aux investisseurs les voies du succès sur les marchés. Certains se complètent, d'autres se contredisent, et peu sont absolus. La Presse Affaires a demandé à des stratèges et gestionnaires de portefeuille de se prononcer sur la validité et la pertinence de ces dictons.

The trend is your friend (La tendance est ton amie)  

Autre dicton à signification semblable: Don't fight the tape

 

Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux

Il est primordial de cerner l'état du marché (haussier ou baissier) et on ne doit pas se «battre» contre sa tendance, sinon on risque de vendre ou d'acheter prématurément. Les changements de tendance peuvent être particulièrement importants.

 

Luc R. Fournier, gestionnaire de portefeuille à l'Industrielle-Alliance

C'est bon aussi longtemps que la tendance dure! Si le marché est bon dans une direction où tu es long, le dicton te suggère de ne pas toucher à tes titres. Si tu es court et que le marché descend, tu es gagnant aussi.

 

Luc Girard, directeur du groupe-conseil en portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins

Ce dicton convient aux investisseurs au profil momentum.

 

Stéphane Gagnon, vice-président et gestionnaire de portefeuille senior au Fonds des professionnels

Le marché parle, il faut composer avec ce qu'il te dit. Mais la tendance est ton amie jusqu'à temps que tu frappes un mur.

 

Achetez la rumeur, vendez la nouvelle

 

V.D. :

Le marché boursier est une machine à anticipation et lorsqu'une nouvelle sort, il y a fort à parier qu'elle est reflétée depuis longtemps dans le prix d'une action. Ce dicton colle surtout aux titres vedettes auxquels s'intéressent les investisseurs hyperactifs.

 

L.F. :

Quand une rumeur se concrétise, un titre réagit rapidement et il est très difficile d'en acheter. Ceux qui ont acheté sur la rumeur peuvent alors vendre. Mais il faut être prudent, car si la rumeur est fausse, on peut se faire avoir.

 

S.G. :

Il faut se méfier de certaines rumeurs qui reviennent constamment, mais qui sont sans fondement. Chaque fois qu'une telle rumeur revient, je vendrais plutôt que d'acheter, comme chaque fois que la rumeur veut que Rogers achète Shaw Communications.

 

Sell in May and Go Away (Vendre en mai et quitter le marché)

 

V.D. :

Les théories liées a la saisonnalité servent à remplir les temps morts.

 

L.F. :

Ce dicton s'applique beaucoup aux titres cycliques. Les gens sont en vacances l'été, et le marché des ressources est moins actif jusqu'à l'arrivée de l'automne.

 

S.G. :

Les probabilités de succès d'un tel dicton sont historiquement assez bonnes, même si le temps de vendre est peut-être venu un peu plus tard cette année. Les gens sont souvent plus portés à prendre du risque dans les premiers mois de l'année.

 

The more certain the crowd is, the surer it is to be wrong (Plus la foule est certaine d'elle, plus elle est certaine d'avoir tout faux) Attribué au financier américain Robert Menschel.

 

V.D. :

Il s'agit probablement du constat auquel j'apporte le plus d'importance puisqu'il prône une approche «contrarienne». Quand tout le monde a vendu, le risque de baisse est assez faible, bien qu'il soit perçu comme étant très élevé. Quand tout le monde a acheté (et que les chauffeurs de taxi vous en parlent!), c'est le temps de vendre.

 

L.F. :

Au pire de la bulle spéculative en 2000, tout le monde était investi dans les actions. À un certain moment, quand il n'y a plus d'acheteurs et qu'un sentiment négatif commence à s'installer, ça tombe comme une roche. Celui qui avait vendu ses actions était correct. Cette année, tout le monde a retiré son argent du marché pendant les trois premiers mois de l'année. Mais le meilleur moment d'acheter était au mois de mars. Quand tout le monde est certain de quelque chose, il faut faire l'inverse.

 

S.G. :

Quand on ne peut plus résister à l'idée d'acheter un titre parce qu'il s'est tellement apprécié, ce n'est jamais trop bon. Quand le consensus, incluant ta belle-mère, te dit d'acheter, c'est dire que toutes les nouvelles sont connues et qu'on commence à être complaisant.

 

On peut s'enrichir en dormant

 

Autres dictons à signification semblable :

«Throughout all my years of investing I've found that the big money was never made in the buying or the selling. The big money was made in the waiting». Citation attribuée au célèbre investisseur du début du XXe siècle, Jesse Livermore.

et

Occasionally, successful investing requires inactivity. (Warren Buffett)

 

V.D. :

Ces dictons portent sur la valeur de conserver ses placements à long terme, soit la stratégie buy-and-hold. Certaines périodes ont été favorables à cette maxime, mais nous vivons depuis 10 ans dans un climat où il faut réévaluer ses positions une ou deux fois par année. On ne parle pas ici d'être hyperactif ni de changer son plan de match comme une girouette, mais la valeur du buy-and-hold est moins évidente ces jours-ci et ne doit pas rendre complaisant.

 

S.G. :

Pour illustrer ce dicton, je donnerais l'exemple de Potash Corporation. C'est une excellente compagnie qui annonce des profits à la baisse. On sait pourquoi, et on sait que cela n'a rien à voir avec le fondamental de l'industrie à moyen terme. Et l'entreprise gère bien l'offre. Nous sommes assis sur nos mains et on garde le titre, car on sait que ça va revenir. Dans certains cas, vaut mieux attendre.

 

Don't marry your stocks (Ne tombez pas en amour avec vos titres)

 

V.D. :

C'est une règle de base importante pour les investisseurs et les analystes puisque la nature humaine fait en sorte que l'amour pour un titre (ou une recommandation) tend à augmenter avec le prix de l'action. Pourtant, plus le prix augmente, plus le rendement espéré diminue.

 

L.G. :

C'est l'un de mes dictons préférés. Il ne faut pas laisser ses émotions déranger la raison. Il faut constamment refaire ses devoirs et regarder le fondamental dans les compagnies qu'on aime pour savoir quand s'en aller. Il faut faire la distinction entre une bonne compagnie et son évaluation.

 

L.F. :

Tomber en amour avec un titre est la pire chose à faire. Combien sont tombés en amour avec du Bombardier ou du Nortel ? Une entreprise, c'est un nom, la réalité va au-delà.

 

Price is king, but volume is the power behind the price (Le prix est roi, mais le volume est la puissance derrière le prix)

 

V.D. :

L'absence de volume réduit la validité d'un mouvement, qu'il soit haussier ou baissier.

 

L.F. :

Certains disent que la dernière remontée boursière est intenable car elle s'est faite sur un faible volume de transactions. C'est un adage utilisé à outrance, mais je n'y accorde pas beaucoup d'importance.

 

Don't try to catch a falling knife (Il ne faut pas attraper un couteau qui tombe)

 

V.D. :

Ce dicton est similaire au « dead cat bounce ». Même un chat qui tombe du dixième étage peut rebondir. Il est donc préférable d'attendre un rétablissement fondamental avant d'acheter, même à prix plus élevé.

 

L.G. :

Attendons que le couteau soit par terre avant de le ramasser, si on pense, après analyse, qu'il y avait eu exagération.

 

L.F. :

Quand un titre ou un indice recule beaucoup, il commence à être intéressant. Il ne faut pas arrêter le couteau, mais plutôt attendre que ça se stabilise. L'automne dernier, des investisseurs ont replongé dans le marché après trois mois de baisse, mais le marché a poursuivi sa chute par la suite.

 

You'll never go broke by taking a profit (Vous ne deviendrez jamais fauché en prenant des profits)

 

L.G. :

Tout ça revient à la pondération des actifs dans le portefeuille. Ne soyons pas avides. On se met des balises, et quand on les dépasse, c'est le temps de prendre des profits. Mais en même temps, il ne faut pas aller à l'autre extrême où on vend tous nos titres gagnants et ne conserver que les perdants.

 

L.F. :

Il est plus difficile de vendre trop tôt que de vendre trop tard. Avec des titres qui ont bien fait, on veut souvent faire plus. Mais parfois on attend trop et le marché retombe avant qu'on ait pu vendre. Si tu vends un peu plus tôt, tu fais peut-être moins de gains, mais tu ne te fais pas planter par après.

 

S.G. :

Ce pourrait être la suite de «Don't marry your stocks». Quand un titre s'est fortement apprécié et qu'il représente un poids trop important dans le portefeuille, il est parfois mieux de prendre des profits. Il y a toujours d'autres situations qui ont corrigé et qui méritent de l'attention.

 

Don't fight the Fed (Ne vous battez pas contre la Fed)

 

V.D. :

La Fed (et les banques centrales) auront ultimement ce qu'elle recherchent par le biais de leurs politiques monétaires. Si la Fed baisse les taux pour relancer l'économie, il faut alors viser des actifs sensibles à l'économie. Si au contraire la Fed remonte ses taux pour freiner la croissance, garnissez vos portefeuilles d'actifs plus défensifs.

 

L.F. :

C'est probablement le dicton qui a le plus de pertinence. Il ne faut jamais penser que la Fed ne sera pas capable d'atteindre son but. Si tu ne crois pas à la Fed, tu n'as pas affaire dans le marché. Mais la période actuelle est un peu spéciale. Les gens se battent un peu contre la Fed. On hésite à croire que les interventions de la Fed vont relancer l'économie, on a l'impression que la Fed «pousse sur une corde».

 

S.G. :

C'est toujours pertinent. Si la Fed dit que l'inflation devient préoccupante, ça veut dire que les taux vont augmenter. Ce n'est pas le temps d'acheter des obligations longues. Il faut écouter la Fed et lire entre les lignes.

 

L'humilité

 

Quelques autres maximes ou citations qui rappellent l'humilité nécessaire face aux marchés.

 

-Octobre. C'est un des mois particulièrement dangereux pour spéculer sur les actions. Les autres sont juillet, janvier, septembre, avril, novembre, mai, mars, juin, décembre, août et février. (Mark Twain)

 

-Les prévisions vous en disent beaucoup sur ceux qui les font, elle ne vous disent rien sur l'avenir. (Warren Buffett)

 

-Il ne faut jamais confondre le génie et un marché haussier.

 

-Les économistes sont bons pour prédire les récessions. Ils ont prédit huit des trois dernières.

 

-Les marchés peuvent demeurer irrationnels plus longtemps que vous pouvez rester solvable. (John Maynard Keynes)