Francesco Bellini a réservé toute une surprise aux actionnaires de Bellus Santé (T.BLU), réunis jeudi en assemblée annuelle: il quittera la direction de l'entreprise lavalloise d'ici la fin de l'année.

«Pour gérer des sociétés publiques aujourd'hui, ça prend du sang neuf», a lancé le docteur Bellini à l'issue de l'assemblée.

Depuis la crise financière de l'automne dernier, qui a fait plonger les valeurs boursières et tari les sources de financement, il est plus compliqué que jamais de diriger une société publique, a-t-il déploré. À tel point que l'homme de 61 ans préfère désormais les entreprises dont le capital est fermé.

Francesco Bellini partira aussitôt que Bellus aura vendu les droits de son principal médicament en développement, le Kiacta, qui s'attaque à l'amylose amyloïde A, une grave maladie affectant notamment le foie et les reins.

Bellus, anciennement connue sous le nom de Neurochem, prévoit conclure cette transaction de plusieurs dizaines de millions de dollars, voire quelques centaines de millions, au cours des prochains mois.

«Il est possible que nous n'ayons pas d'entente, que les choses se passent de façon dramatique, mais quand vous avez sept ou huit sociétés qui regardent (le Kiacta), quelque chose doit se passer», a soutenu M. Bellini.

Selon l'homme d'affaires, il ne reste plus que 15 millions $ à investir pour obtenir l'approbation réglementaire du Kiacta. Ce n'est pas une somme substantielle, mais Bellus a décidé de changer de cap et de se concentrer désormais sur les promédicaments, des substances qui agissent grâce aux enzymes des cellules du foie.

Bellus travaille ainsi à recycler en promédicament l'Alzhemed, un produit contre la maladie d'Alzheimer que la Food and Drug Administration des États-Unis a refusé d'approuver comme médicament conventionnel. L'entreprise prévoit clore l'essai clinique de phase I d'ici la fin de l'année et amorcer l'étude de phase II l'an prochain.

L'entreprise a déjà commencé à commercialiser l'Alzhemed en produit naturel sous le nom de Vivimind, en ciblant les baby-boomers qui commencent à éprouver des problèmes de mémoire. Elle en a vendu pour 84 000 $ au cours du premier trimestre, terminé le 31 mars. C'est bien peu, mais

Bellus soutient qu'il faut encore «développer le marché».

La direction espère obtenir de «bonnes nouvelles» concernant l'approbation de Vivimind en Europe cet été, au Canada d'ici la fin de l'année et aux États-Unis l'an prochain. Bellus a déjà le droit de vendre le produit au Canada comme produit expérimental, mais ne peut pas l'annoncer à la télévision généraliste, le média le plus puissant.

M. Bellini compte tout de même demeurer président du conseil d'administration de Bellus, où siège également son fils Roberto, 29 ans. Le célèbre entrepreneur est à l'origine de ce qui reste le plus important succès de biopharmaceutique québécois: le 3TC, mis au point par des chercheurs de BioChem Pharma.

Actionnaires dilués

La famille Bellini a investi entre 65 et 70 millions $ dans Bellus, la même somme que Power Corporation [[|ticker sym='T.POW'|]]. Francesco Bellini espère encore récupérer la totalité de son investissement, qui ne vaut actuellement que la moitié de la mise initiale. Il en sera autrement pour les petits actionnaires, qui ont été «dilués de façon dramatique», d'après les propres mots du dirigeant.

À la fin mars, Bellus ne disposait plus que de 3,2 millions $ en liquidités, alors qu'elle dépense 2 millions $ par mois. La société a récemment licencié du personnel, réduit ses dépenses, restructuré sa dette et conclu un financement de 20,5 millions $, ce qui devrait lui permettre de poursuivre ses activités au moins jusqu'à la fin de l'année.

«Nous avons pris notre destin entre nos mains, a affirmé M. Bellini. Nous avons pris des décisions difficiles et maintenant, nous sommes vraiment en voie de sortir très forts.»

Francesco Bellini continuera par ailleurs de s'occuper des autres sociétés dans lesquelles il a investi: Klox (blanchiment des dents), Thallion [[|ticker sym='T.TLN'|]] (oncologie et maladies infectieuses) et Adaltis [[|ticker sym='T.ADS'|]] (systèmes diagnostiques). Il a récemment fait un coup d'argent avec la vente, pour 400 millions $ US (440 millions $ CAN), de ViroChem, dans laquelle il détenait une participation de 15 pour cent.

Interrogé sur la crise qui frappe le secteur des biotechnologies, le dirigeant a pressé Québec de mettre en place de nouvelles mesures fiscales pour encourager les investissements privés.

«S'il n'y a pas de changements dans le domaine fiscal pour encourager les investisseurs privés à investir par le biais de déductions fiscales, je pense que cette industrie va aller à la mort», a-t-il lancé avec sa verve habituelle.

L'action de Bellus a clôturé jeudi à 27 cents, en baisse de 5,3 pour cent, à la Bourse de Toronto. Le titre valait plus de 34 $ en 2004, un cours qu'on ne reverra plus, a admis le docteur Bellini.