On savait que la récession avait frappé fort l'hiver dernier. On sait désormais que le Canada s'en est mieux tiré que la plupart des pays du G7 et que la croissance sera sans doute de retour au plus tard l'automne prochain.

Le recul du produit intérieur brut (PIB) réel de 5,4% en rythme annualisé entre janvier et mars était le plus grave depuis 1991, a annoncé hier Statistique Canada. Les observateurs s'attendaient pourtant à pire encore. Ainsi, la Banque du Canada avait misé sur une chute de 7,3% de l'activité économique durant l'hiver, tandis que la prévision médiane des économistes tablait sur un repli de 6,6%.

Au bout du compte, seule la France aura été moins frappée que nous parmi les membres du G7.

La relative résilience des consommateurs et le solde du commerce extérieur auront fait la différence.

Les dépenses de consommation ont reculé de 1,6% seulement, même si le revenu réel disponible qui mesure le pouvoir d'achat a diminué de 3,0% au premier trimestre et de 6,2% en un an. Bref, les Canadiens n'ont pas jugé à propos d'épargner davantage, comme le font les ménages américains.

Le commerce extérieur s'est effondré durant le trimestre avec une chute de 30,4% du volume des exportations. Celui des importations a toutefois plongé davantage avec pour résultat que le solde a contribué positivement à la variation du PIB. «Nous pensons cependant que la baisse du commerce de marchandises est pénible pour l'économie canadienne», note Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Pendant 10 ans, les échanges internationaux équivalaient à environ 80% de la taille de l'économie. C'était ramené à 70% au premier trimestre.

Cela affecte les profits des entreprises, amputés de 24% de janvier à mars, après une saignée du même ordre durant l'automne.

Voilà pourquoi elles ont réduit de 35% leurs achats de machines et d'équipement et déstocké à hauteur de près de 6 milliards de dollars. Le ratio des stocks aux ventes est cependant passé de 68 à 71 jours, signe indéniable que le chiffre d'affaires de maintes entreprises s'est effondré à la faveur aussi d'un recul des prix des produits de base. «Comme une reprise de la demande, intérieure et étrangère, est prévue dans la deuxième moitié de 2009, il faudra bientôt reconstituer ces stocks, note Marc Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. Une croissance positive s'annonce.»

Les dépenses des gouvernements étaient en hausse de 1,2% seulement, soit moitié moins que durant l'automne. Manifestement, les programmes d'infrastructures ne se sont pas mis en branle durant l'hiver. Leurs bienfaits ont commencé à se faire sentir au printemps avec l'ouverture de nombreux chantiers susceptibles de contenir les pertes d'emplois encore à venir dans le secteur manufacturier et de stimuler l'achat d'équipement et de biens industriels.

En dollars d'aujourd'hui (PIB nominal), la contraction de l'économie est beaucoup plus importante que si on la mesure en volume (PIB réel): 11,5% l'hiver dernier après 14,4% l'automne dernier. On saisit mieux ainsi l'impact de la récession sur les finances publiques.

Selon toute vraisemblance, la récession se poursuit ce printemps, mais avec moins de brutalité que durant l'hiver. La remontée des prix des produits de base présage aussi de meilleurs chiffres du PIB nominal.

Quand on mesure la taille de l'économie en additionnant simplement la production par industrie sans tenir compte du commerce international ni des variations de stocks, on obtient un repli d'un peu plus de 6%.

Si on examine la production sur une base mensuelle, on constate que c'est en novembre (-0,7%), décembre (-1,0%) et janvier (-0,6%) que les replis ont été les plus importants. En février et mars, les reculs ont été contenus à 0,1% et 0,3%. Le point de retournement n'est pas atteint, mais il semble qu'on s'approche du fond, bien que la récession frappe inégalement selon les secteurs et les provinces. On sera peu étonné dès lors de constater que seulement 27% des 228 répondants d'un sondage Léger Marketing mené auprès des membres de l'Association des économistes québécois craignent que la situation ne se détériore au cours des six prochains mois, tandis que 47% s'attendent plutôt à ce qu'elle se maintienne, voire qu'elle s'améliore (24%).

 

PRODUIT INTÉRIEUR BRUT RÉEL

Variation annualisée de janvier à mars

France : -4,9%

Canada : -5,4%

États-Unis : -5,7%

Royaume-Uni: -7,6%

Italie : -9,4%

Allemagne : -14,4%

Japon : -15,2%

Sources : OCDE, Statistique Canada