On peut créer en Afrique un quotidien tirant à 500 000 exemplaires ou augmenter de 30% la productivité d'un journal coréen: des réponses existent face à la crise de la presse écrite, selon l'Association mondiale des journaux (AMJ).

Elles ont été examinées cette semaine à Barcelone au cours d'une conférence sur le Pouvoir de la presse papier, organisée par l'AMJ pour démentir la «mort» annoncée des journaux et mettre en exergue des stratégies «gagnantes».

Exemple le plus éclatant: le Daily Sun, un journal créé en 2002 en Afrique du Sud. Il est devenu en six ans le premier quotidien du pays avec un tirage de 500 000 exemplaires et un lectorat très identifié.

«Notre cible était les jeunes travailleurs urbains qui ne lisaient pas de journaux» et le Daily Sun répond à leurs «besoins spécifiques» d'information sur la vie quotidienne, sans vouloir tout couvrir, a expliqué jeudi un de ses responsables, Fergus Sampson.

L'idée de «niche» éditoriale, permettant de trouver ou de fidéliser des lecteurs, est mise en avant par l'AMJ, qui conseille aux journaux de multiplier les suppléments thématiques et de choisir des thèmes bien ciblés.

L'Arizona Republic, 10e quotidien américain (400 000 exemplaires) a mis en place cette politique, avec 24 produits différenciés, pour consolider sa diffusion, en l'accompagnant d'un système original de portage individualisé.

Le journal et ses distributeurs disposent d'un logiciel spécifique - Softbook - permettant de déposer devant chaque abonné avant 6h du matin un quotidien pratiquement à la carte, sans donner tout à tout le monde.

D'où des économies de papier, que mettent en place d'autres journaux américains comme le Denver Post, en réduisant leur pagination en début de semaine, les journaux étant moins lus le lundi et le mardi.

Le grand quotidien coréen JoonAng Ilbo, vendu à 1,8 million d'exemplaires, a toujours 64 pages, mais a réduit de 90 à 76 millions de dollars sa facture de papier en passant récemment au format berlinois.

Ce changement, longuement préparé, a en outre permis d'augmenter de 30% la productivité au sein du journal, qui a conservé ses 322 journalistes, a précisé son directeur pour la stratégie, Jeong Do Hong.

Les quatre grands groupes de presse néerlandais espèrent pour leur part économiser 30 millions d'euros par an en regroupant leur distribution, en coopération avec la poste locale.

Les groupes de presse étranglés financièrement par la chute de la publicité, surtout en Europe et aux États-Unis, peuvent donc réagir autrement qu'en fermant des titres ou en licenciant des journalistes, selon l'AMJ.

Pour cette dernière, les réductions de coûts sont indispensables; mais elles doivent être menées de façon «intelligente», en touchant le moins possible à la rédaction, et être accompagnées de stratégies de diversification à long terme.

Le numérique en fait partie et les participants à la conférence ont tous affirmé leur volonté d'être présent sur internet et les mobiles, tout en réclamant un paiement de l'information, sur un modèle économique restant à inventer.

On peut toutefois bien gagner sa vie sans être sur la toile, a souligné jeudi le Français François Dufour, patron du groupe Play Bac Presse, surprenant l'auditoire.

Il n'a pas créé de site internet pour ses journaux «ciblés» vers les enfants et les adolescents (Le Petit Quotidien, Mon quotidien, l'Actu), tirés globalement à 150 000 exemplaires, et dit très bien s'en porter.