Selon les chiffres compilés par le Regroupement des collèges du Montréal métropolitain (RCMM), il y a regain de popularité des champs d'études liés aux technologies informatiques dans les cégeps depuis un an. Des jeunes inscrits aux programmes techniques aux immigrants en formation continue, tous ces nouveaux venus pourraient à leur tour créer une pénurie de matériel enseignant.

Voilà qui n'aiderait en rien à régler la fameuse pénurie de main-d'oeuvre qui n'attend qu'une reprise économique pour affecter l'industrie québécoise des technologies de l'information et de la communication (TIC). À l'heure actuelle, les diplômés des cégeps qui sortent d'un programme lié à l'informatique ont un excellent taux de placement d'un peu moins de 90%, selon les chiffres publiés par le ministère de l'Éducation du Québec (MEQ). En grande majorité des emplois à temps plein. Et ce, malgré une économie qui tourne au ralenti depuis des mois.

Cela dit, cette année marque une première depuis longtemps pour les collèges montréalais: une hausse de l'achalandage des départements informatiques, de l'ordre de 15% par rapport à l'année précédente. «On a tout de même un net recul depuis sept ou huit ans», déplore Patrick Woodsworth, directeur général du RCMM. «Les programmes d'études informatiques de tous nos collèges ont encore de la place pour plus d'étudiants.»

Des étudiants à temps plein, par contre. Car si on ajoute au cours régulier ceux de la formation continue, les laboratoires informatiques sont au contraire surutilisés, constate le RCMM. Car à l'inverse des jeunes toujours échaudés de la déconvenue du secteur technologique au début du millénaire, les adultes en réorientation de carrière, les immigrants qui désirent se faire embaucher et les chômeurs motivés à se replacer dans les technos sont nombreux. Et leur nombre va continuer d'augmenter au cours des prochaines années, prévoit d'ailleurs le MEQ.

Suffisamment pour mettre beaucoup de pression sur des collèges, dont les effectifs d'enseignement sont déjà poussés à la limite, constate M. Woodsworth. «Emploi Québec, Immigration Québec et des programmes comme le Pacte pour l'emploi mettent beaucoup de pression sur les collèges, et nous commençons à manquer de ressources matérielles et physiques.»

Formations à la pièce

La provenance multiple des étudiants - Emploi Québec, ministère de l'Immigration, etc. - complique la donne, estiment certains observateurs. Ces ministères achètent des formations à la pièce, ce qui empêche les collèges d'investir à long terme dans les outils qu'ils estiment nécessaires pour donner une formation de pointe, comme des logiciels, notamment. Comme les cégeps ne peuvent pas faire de déficits, ils sont coincés, même si la demande augmente régulièrement.

La fin des campus commandités

Certains collèges ont tenté de résoudre ce problème en créant des partenariats avec des entreprises privées capables de fournir ces outils. On pense immédiatement au fameux campus Ubisoft, de l'Université de Sherbrooke et du cégep de Matane.

Une stratégie à ne pas renouveler, estime Maurice Piché, directeur général du collège Bois de Boulogne, au nord de Montréal. «Le campus Ubisoft répondait à un besoin précis à ce moment, mais aujourd'hui, l'industrie veut autre chose», dit-il. «L'industrie demande des formations données en continu entre les collèges et les universités. Si Montréal veut se positionner à l'international, ça prend la création d'un pôle d'excellence où tous les collèges et universités travaillent ensemble, en complémentarité.»

Selon M. Piché, cette formule pourrait prendre la forme d'un baccalauréat accéléré appliqué à des secteurs technologiques de pointe, comme l'image de synthèse, par exemple. «Ce serait une bien meilleure solution qu'une attestation d'études collégiales (AEC) de 30 semaines», dit-il. M. Piché ajoute qu'un tel programme serait probablement plus approprié qu'une AEC pour aider certains travailleurs spécialisés à se replacer, faisant référence aux 800 ingénieurs mis à pied par CAE, le mois dernier.