Quand les gouvernements ont lancé leurs programmes de crédit d'impôt pour inciter les Québécois et les Canadiens à rénover, l'incertitude sur l'efficacité de ces mesures n'avait d'égal que l'incertitude économique elle-même. Mais quelques mois plus tard, les entrepreneurs et les détaillants constatent que les rénovateurs sont au rendez-vous. Le crédit d'impôt est peut-être le petit extra qu'il fallait pour que les Québécois ne laissent pas tomber le marteau.

«Ç'a été lent à partir, mais c'est parti en fou.»

Guy Audet, propriétaire d'une entreprise de construction-rénovation à Sherbrooke, reçoit plus de soumissions pour des projets de rénovation que les années précédentes. Et les nouveaux crédits d'impôt à la rénovation, mis en place par les gouvernements fédéral et provincial, y sont sûrement pour quelque chose.

Selon l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec, les intentions de rénovation des ménages québécois dans les 12 prochains mois sont passées de 12,4% en décembre 2008 à 19,8% en février, quelques semaines après que les gouvernements aient annoncé ses programmes de crédit d'impôt à la rénovation.

Les intentions de rénovation ont certes diminué à 16,6% en avril, selon le dernier sondage de l'APCHQ. Mais cela reste néanmoins plus encourageant qu'à la fin de l'année dernière. Et plusieurs entrepreneurs en rénovation poursuivent leur croissance malgré la récession.

C'est le cas de Portes et Fenêtres Caron et Guay, de Pont-Rouge, dont 75% du chiffre d'affaires de 30 millions est attribuable aux activités de rénovation.

«En salle de montre, l'achalandage a presque doublé par rapport à l'an dernier, note le directeur des ventes, Réjean Guay. Et on est parti pour une très bonne croissance.» Jusqu'à maintenant, les ventes ont grimpé de 40%.

Dans ce cas comme dans d'autres, il demeure très difficile de calculer exactement la responsabilité des crédits d'impôt dans les bonnes affaires de 2009. Mais Réjean Guay croit que les mesures fiscales apportent un surplus de clientèle, s'il en juge par la quantité de gens qui glissent un mot sur ces crédits d'impôt.

«Les crédits d'impôt viennent contrebalancer les mauvaises nouvelles économiques qui sont apparues au pays depuis janvier», dit pour sa part Martin St-Amour, directeur chez Portes et Fenêtres Verdun.

Selon lui, nul doute que cela convainc des consommateurs à passer de l'étape du projet à celle de la concrétisation.

«J'ai des exemples de clients qui ont mis leur projet sur la glace à l'automne, voyant que leurs REER avaient beaucoup baissé, dit-il. Mais ils sont revenus à la charge en février ou en mars.»

»Ça fait son chemin»

Au moment où le gouvernement fédéral a lancé son programme, à la fin janvier, des économistes se montraient sceptiques. L'économiste en chef de BMO Marchés des capitaux, Sherry Cooper, doutait que les ménages à plus faible revenu soient tentés par le programme. Yves Saint-Maurice, de Desjardins, se demandait quant à lui si cela allait vraiment amener du jus à l'économie.

Mais force est de constater que pendant que les mises en chantier diminuent et que le marché de l'habitation s'essouffle, la rénovation tient le coup.

«À l'automne, on était préoccupé de savoir comment le consommateur réagirait à cette incertitude économique là, dit Martin St-Amour. La rénovation implique souvent des sommes assez importantes.»

Mais avec l'arrivée du printemps, et après quelques semaines de confusion et d'incompréhension sur les modalités des crédits d'impôt, l'inquiétude s'est dissipée.

«Avant que les crédits d'impôt arrivent, nous étions inquiets, comme tout le monde, même si on avait nos petites stratégies, se rappelle Réjean Guay. Lorsque les crédits d'impôt sont arrivés, on trouvait que c'était une superbe nouvelle, mais les premières semaines ont été toute une aventure pour aller chercher des renseignements là-dessus. Pendant un temps, on pensait que c'était de la poudre aux yeux.»

«Au début de l'année, les gens ne comprenaient pas trop ce que c'était, dit Éric Sansoucy, associé chez SP Rénovation, de Montréal. Le langage fiscal n'est pas nécessairement parlé par tout le monde. Mais on répète à chaque fois que quand on atteint 20 000$, c'est 3850$ de crédit d'impôt. Ça fait son chemin et ça marche.» Si bien que plusieurs Québécois ont devancé des travaux prévus un peu plus tard, notent les entrepreneurs.

Secteur sensible

Florence Duhamel, directrice générale de Maison D&D, à Brossard, ne note pas d'augmentation par rapport à l'an dernier. «Par contre, il n'y a pas de baisse, précise-t-elle. Peut-être que sans ces crédits, il y en aurait une.»

C'est aussi l'opinion d'Éric Cherbaka, directeur général, division Membres et Industrie, de l'APCHQ.

«Sans ces crédits, ce serait plus difficile de passer au travers de la récession. La rénovation est un secteur plutôt sensible à la conjoncture économique. Les crédits viennent maintenir l'activité. Sans eux, les gens auraient attendu une stabilisation économique.»

Aujourd'hui, une chose est certaine: les consommateurs sont intéressés et veulent en savoir plus sur les crédits. L'APCHQ remarque un grand nombre de demandes d'information et de références d'entrepreneurs sur son site web et au service à la clientèle.

Et les entrepreneurs suivent les clients. «On nous mentionne que beaucoup d'entrepreneurs qui ne faisaient pas de rénovation sont entrés sur le marché, dit Éric Cherbaka. Il y a beaucoup plus de joueurs, et beaucoup plus de concurrence.»