D'un meilleur cru que prévu, la dernière moisson d'indicateurs fait espérer une dégradation moins rapide de l'économie mondiale, éloignant le spectre d'une Grande Dépression sans toutefois augurer d'une reprise imminente.

Quelques éclaircies se sont récemment fait jour. En Allemagne, le baromètre Zew des milieux financiers a repris des couleurs. Aux États-Unis, la production industrielle décline mais à un rythme moins soutenu. Au Japon, les commandes de biens d'équipement du secteur privé ont moins chuté que prévu. Quant à la Chine, elle voit sa production manufacturière continuer son redressement.

Baromètre des échanges maritimes, et partant du commerce mondial, le Baltic Dry Index est, de son côté, reparti à la hausse après une longue période de déprime.

«Après deux trimestres cataclysmiques, ce petit rebond montre que le risque d'une crise systémique majeure a été écartée. On a échappé à une Grande Dépression», affirme à l'AFP Elie Cohen, économiste au CNRS.

«Le plus dur est sans doute passé», selon le prix Nobel d'économie Paul Krugman.

Reparties à la hausse depuis mars, les places boursières semblent écarter le scénario d'un effondrement général du système même si la reprise paraît encore lointaine.

«On a juste cessé de plonger pour remonter légèrement mais on reste en territoire profondément négatif», souligne M. Cohen, mettant l'accent sur les récessions inédites prévues cette année en France (-3%) et en Allemagne (-6%).

«Les soi-disant +bons indicateurs économiques+ sont simplement moins mauvais qu'avant», observe Richard Koo, économiste en chef du groupe financier Nomura au Japon.

Le rebond de la production industrielle observé dans plusieurs pays est par ailleurs purement «technique», selon les analystes: après avoir massivement déstocké au plus fort de la récession, les entreprises ont dû se remettre à produire pour regarnir timidement leurs stocks.

«On ne peut absolument pas parler de reprise», assure Eric Chaney, chef économiste d'AXA, qui redoute que l'évolution de la demande mondiale n'apporte «de mauvaises nouvelles».

«Le secteur manufacturier reste dans le rouge et va continuer à réduire ses coûts en limitant ses dépenses sur l'investissement et l'emploi», analyse-t-il. Résultat: la demande en biens d'équipement et celle des ménages, frappés par la flambée du chômage, pourraient de nouveau chuter.

En dépit de la détente du marché interbancaire mondial, le système financier reste par ailleurs «tétanisé», compromettant toute reprise «durable», poursuit Nicolas Véron, du centre de réflexion Bruegel, en Belgique.

«Le marché du crédit est sous perfusion totale. La confiance dans le système bancaire ne sera pas restaurée en Europe tant qu'on n'aura pas identifié les établissements en mal de capitaux», déclare-t-il, estimant que les futurs «stress test» européens ne sont pas assez contraignants pour changer la donne.     Autre motif d'inquiétude, le secteur immobilier américain, foyer de la crise mondiale, est toujours chancelant. Les mises en chantiers de logements et les permis de construire se sont effondrés en avril, à leur plus bas niveau depuis cinquante ans, même si ceux pour les maisons individuelles sont en hausse.

Le commerce mondial ne se porte pas mieux et devrait chuter de 13% cette année, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Résultat des courses: la reprise sera sans doute «cahotante», comme le prédit le secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner, mais pour l'heure, elle reste surtout incertaine.

«Ca fait deux ans que les indicateurs disent tout et leur contraire. La vérité c'est qu'on ne sait absolument pas quand l'activité redémarrera», tranche Charles Wyplosz, de l'Institut des hautes études internationales de Genève.