Mine de rien, un partenariat économique entre le Canada et l'Union européenne ne diminuera pas les litiges commerciaux. Il pourrait les augmenter.

Un accord commercial complexe qui engloberait la libre circulation des biens, des échanges et de la main-d'oeuvre est en fait un terreau fertile pour cultiver des différends. «La conclusion d'un tel accord vise à favoriser les échanges de biens et de services, pas à éliminer les litiges sauf celui d'accès au marché, précise en entrevue Me Simon V. Potter, associé chez McCarthy Tétrault. Ce qu'il faut espérer, c'est la libéralisation accrue des échanges.»

Il exerce une pratique qui porte notamment sur le droit du commerce et de l'investissement international. À ce titre, il sera appelé à conseiller quelques entreprises désireuses d'influencer les négociateurs canadiens.

L'accès au marché européen est limité par exemple par l'obligation de fabrication sur place pour quiconque désire devenir fournisseur des États membres de l'Union. Au Canada, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) permet à une entreprise canadienne de répondre à un appel d'offres de Washington, mais le Buy America Act qu'appliquent les États limite la portée. De même, des entreprises américaines peuvent soumissionner pour des contrats canadiens, mais les provinces gardent leurs propres règles du jeu. Ainsi, dans un élan de protectionnisme, l'Ontario vient-il de décider que ses hôpitaux, ses écoles et sa fonction publique n'achèteront plus que des aliments produits dans la province.

Si sa portée est grande, le futur traité dont la négociation a été lancée hier à Prague pourrait limiter de telles pratiques. «Tout traité est une promesse de ne pas faire quelque chose», résume Me Potter.

En fait, ni le Canada ni l'Europe ne veulent modifier leur politique agricole respective (gestion de l'offre et productions subventionnées). Les réglementations encadrant l'emballage, l'étiquetage et les appellations qui sont d'autant de barrières non tarifaires pour limiter les importations seront sur la table.

Cela touche une quantité incalculable de produits susceptibles d'être importés ou exportés.

Qu'est-ce qu'un cheddar, un camembert ou un prosciutto? Pourquoi les petits pots de bébés doivent-ils être vendus dans deux formats seulement? Combien doit contenir de cacao une friandise pour porter le nom de chocolat ou de lait liquide un produit pour s'appeler fromage?

Cela dit, ce qui intéresse avant tout les Européens, ce sont les ressources énergétiques canadiennes, croit Me Potter. L'Europe désire diminuer sa trop grande dépendance aux ressources russes.

L'ouverture d'une route dans l'Arctique pourrait leur donner accès au pétrole canadien, mais cette question sera embarrassante. Le Canada est déjà tenu par l'ALENA d'assurer des approvisionnements d'or noir aux États-Unis.

Le Canada a tout à gagner d'une percée sur la libéralisation des échanges de services susceptible d'assouplir la réglementation des permis de travail pour la main-d'oeuvre canadienne. Cela faciliterait le déploiement de services d'ingénierie. «Les voyages de professionnels devraient être un élément du traité. Maintenant, il faut beaucoup de permis, rappelle Simon Potter. On pourrait réduire cette difficulté.»

«Le Canada est en bonne position pour lancer des critiques des règlements de l'Europe afin de permettre à nos banques d'offrir plus de services, plaide Me Potter. Pourquoi nos banques qui sont les plus solides ne pourraient-elles pas avoir des activités de dépôt ou proposer de la gestion de fortune?»

Le Canada réclamait depuis 1994 un traité avec l'Europe, mais celle-ci a longtemps montré des réticences. L'impasse de la ronde de Doha pour étendre la libéralisation multilatérale du commerce aura convaincu les Européens de briser l'isolement dans lequel ils risquent de se retrouver avec le développement du libre-échange en Extrême-Orient et dans la zone Asie-Pacifique.

«On n'a pas besoin de libéraliser jusqu'au bout dans le partenariat Canada-Europe. Jusqu'où ira-t-on? Tel est l'enjeu», dit Me Potter.