Des versions spéciales des appareils de Bombardier (T.BBD.B) , qui servent déjà à effectuer de la surveillance et à participer à des sauvetages en mer, sont appelées à accomplir une nouvelle mission: traquer les pirates.

Un de ces appareils est le bon vieux CL415, cet avion amphibie mieux connu pour la lutte contre les feux de forêt.

 

L'agence de garde côtière de Malaisie a récemment pris livraison d'un premier CL415 modifié pour effectuer des missions de patrouille et de surveillance. Équipé notamment d'un radar à antenne à infrarouges, dissimulé dans une grosse boule à l'avant de l'appareil qui ressemble à un nez de Mickey Mouse, l'appareil pourra notamment repérer les pirates qui écument le détroit de Malacca. Ce détroit, coincé entre la Malaise et l'Indonésie, est une importante voie commerciale qui relie l'Inde à la Chine.

«Avec le problème de la piraterie dans le monde, mais aussi avec des questions comme la protection des frontières, l'affirmation de la souveraineté et la lutte contre la pêche illégale, il y a beaucoup de gouvernements qui revoient leur stratégie dans le domaine de la surveillance maritime, déclare le vice-président des ventes et du marketing de Bombardier Avions spécialisés et amphibies, Derek Gilmour, dans une entrevue avec La Presse Affaires. C'est un secteur de nos affaires qui est actuellement en croissance.»

À l'heure actuelle, environ 330 avions spécialisés de Bombardier effectuent des missions dans 35 pays (auxquels il faut ajouter 143 avions amphibies spécialisés dans la lutte contre les incendies). Il s'agit essentiellement de biréacteurs d'affaires Learjet, Challenger et Global et de turbopropulseurs Dash-8, comme le Q300 et le Q400.

Le Dash-8 est notamment utilisé pour la surveillance maritime et les missions de recherche et sauvetage, alors que le luxueux biréacteur d'affaires Global Express est reconnu pour ses capacités de surveillance militaire.

La Grande-Bretagne a notamment commandé cinq appareils Global Express pour effectuer des missions de surveillance dans le cadre du programme ASTOR (Airborne Stand-Off Radar), rebaptisé Sentinel. Cette version militarisée comprend des radômes (dômes protégeant des antennes) et des ailerons supplémentaires.

Bateau volant

Pour les missions de recherche et sauvetage et de surveillance maritime, le CL415 apporte quelque chose d'unique sur le marché, affirme M. Gilmour. Soit la capacité d'amerrir. «C'est un bateau volant», lance-t-il.

Alors que les autres appareils doivent communiquer avec des navires lorsqu'ils détectent un bateau en difficulté ou des pêcheurs illégaux, l'avion amphibie peut amerrir et intervenir immédiatement.

«J'espère que nous verrons de plus en plus d'appareils CL415 effectuer des missions spéciales», lance M. Gilmour.

Mais jusqu'à maintenant, seules la Grèce et la Malaise ont commandé des appareils CL415 équipés pour des missions spéciales. Les appareils Global Express et Dash-8 semblent plus populaires après des divers gouvernements.

Bombardier lorgne notamment du côté des États-Unis et du Canada, qui planifient le remplacement d'avions de surveillance.

Dans le budget qu'il a proposé au début d'avril, le secrétaire américain de la Défense Robert Gates a annoncé qu'il entendait augmenter de deux milliards de dollars US les fonds consacrés aux activités de surveillance et de reconnaissance en appui aux activités de combat, ce qui comprend l'utilisation de drones (de petits avions sans pilotes) et d'appareils dotés de pilotes.

Or, l'armée américaine est justement en train de réfléchir sur la possibilité de relancer le programme de remplacement de ses avions de surveillance, l'Aerial Common Sensor Program.

En 2004, la Défense américaine avait accordé un contrat de 879 millions US à Lockheed Martin pour cinq premiers appareils, capables de détecter les mouvements des troupes et intercepter les communications des ennemis. Le contrat devait grimper à plus de sept milliards US avec la livraison de 33 avions supplémentaires à l'armée et 19 à la marine.

Lockheed Martin devait utiliser le biréacteur régional Embraer 145 comme plateforme, mais cet appareil s'est révélé trop petit et le géant américain de la défense a alors proposé le Global Express de Bombardier. Devant des coûts qui explosaient, la Défense a préféré annuler le programme.

Cavalier seul

La marine a décidé de faire cavalier seul et de lancer son propre processus de remplacement. Elle regarde notamment du côté du Poseidon P-8A, un dérivé du Boeing 737. Mais le Global Express et le turbopropulseur Dash-8 Q400 sont encore dans la course pour le remplacement des avions de surveillance de l'armée.

«Nos appareils sont reconnus, affirme M. Gilmour. Le secrétaire Gates et le gouvernement américain les connaissent. Mais ils n'ont pas encore émis d'appel d'offres.»

Pour sa part, le gouvernement canadien entend acquérir de 10 à 12 nouveaux avions de patrouille maritime à partir de 2020, dans le but de remplacer ses vieux appareils Aurora. Avec le réchauffement climatique et le dégagement progressif du passage du nord-ouest, le Canada devrait surveiller de plus près son territoire arctique.

Bombardier pourrait proposer le Global Express ou le Q400, tout dépendant des exigences qui seront mises de l'avant. Mais encore là, la partie n'est pas gagnée.

«Nous savons qu'ils regardent aussi du côté du P-8», indique M. Gilmour.