Vingt-quatre mille emplois. Des mises à pied? Au contraire. C'est le nombre de postes à combler d'ici quatre ans dans le secteur technologique au Québec. Des postes qui pourraient ne pas trouver preneur, la pénurie de main-d'oeuvre dans les technos étant toujours loin d'être réglée. Les spécialistes du secteur songent désormais à se tourner vers l'immigration.

Il y a cinq ans, on parlait de ce problème lointain - 2010 était un futur encore flou pour plusieurs - comme d'un des effets de l'effondrement des technos en Bourse. Aujourd'hui, il n'a toujours pas disparu, à tel point qu'on continue de parler de «l'effet Nortel» [[|ticker sym='T.NT'|]]: comment l'écrasement du géant canadien a découragé plus d'une génération d'étudiants et leur a fait tourner le dos à une carrière dans le secteur technologique.

 

«On dirait que toutes les fois où on entend parler de Nortel, c'est de façon négative», constate Gilbert Boileau, vice-président de Sapphire Canada, une filiale du géant Randstad spécialisée dans le recrutement de main-d'oeuvre pour les technos. «Ça a laissé une marque dans l'inconscient populaire.»

Des employeurs plus sélectifs

Selon M. Boileau, même la récession actuelle ne viendra pas à bout de cette pénurie, le nombre de postes disponibles étant toujours beaucoup plus élevé que le nombre de travailleurs souhaitant les combler. «Les entreprises ont des budgets qui sont plus petits et les employeurs sont un peu plus sélectifs, continue M. Boileau. Une chose est sûre: il n'y a toujours pas assez de gens qui vont étudier dans les technologies de l'information (TI). On en parle moins parce qu'on est en récession, mais la demande continue d'augmenter.»

Pour les entreprises, il y a cependant une petite lumière d'espoir à l'horizon: ces derniers mois, il semble que les inscriptions dans les programmes d'étude à caractère informatique aient connu une hausse remarquable.

Certaines de ces entreprises essaient aussi de stimuler ce renversement de tendance. Par exemple, Vidéotron ne cache pas que la mise sur pied de son futur réseau autonome de téléphonie sans fil se traduit par un besoin accru de personnel: plus de 800 postes, dont la majorité pour des ingénieurs. L'entreprise montréalaise est donc devenue un partenaire important du Fonds de développement de l'École de technologie supérieure (ETS) et espère en profiter. «De toute façon, on a toujours trouvé que les ingénieurs étaient une denrée rare», expliquait le président de Vidéotron, Robert Dépatie, la semaine dernière.

L'immigration, une solution?

Naturellement, ce n'est pas le rôle des écoles de régler un problème d'ordre industriel. C'est pourquoi les entreprises aux prises avec une pénurie de main-d'oeuvre à court terme devront tenter de trouver des solutions ailleurs. À l'étranger, par exemple.

La Silicon Valley traverse le même questionnement: plus de la moitié des joyaux technologiques de la vallée californienne ont été fondés par des immigrés. Google, Intel, Sun et Yahoo, entre autres. Dans la banlieue élargie de San Francisco, on aimerait que le gouvernement facilite l'immigration de professionnels en TI pour aider les entreprises à améliorer leur compétitivité. Malgré un taux de chômage quasi record à l'échelle nationale!

Un questionnement qui n'échappe pas au secteur technologique québécois non plus. Vidéotron admet avoir jeté un coup d'oeil en Europe pour recruter quelques spécialistes. D'autres visitent les collèges ontariens et américains... Ironiquement, c'est peut-être un bon moment pour le faire: de gros projets comme celui de Vidéotron, estime M. Dépatie, ont un certain pouvoir d'attraction à l'extérieur du Québec, surtout en pleine crise mondiale.

«C'est sûr qu'il y va falloir que des gens viennent de l'étranger, comme de France ou de Belgique», conclut d'ailleurs Gilbert Boileau, de Sapphire. «Faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre entre le Canada et l'Europe pourrait aider, c'est une partie de la solution.» Une solution à un problème que même la crise semble incapable de ralentir.