Le pire de la crise qui frappe le secteur des médias et de l'imprimerie est peut-être passé, a estimé lundi le président et chef de la direction de Transcontinental (T.TCL.A), François Olivier.

«Le pourcentage de ralentissement qu'on a vu (à l'automne et en janvier) se maintient», a expliqué M. Olivier à l'issue d'un discours prononcé à la tribune du Cercle canadien de Montréal.

«On ne va pas plus bas, mais il n'y a pas de relance. Il y a comme une stabilité et je pense qu'on est proche du fond. Et si on n'est pas au fond, on n'en est pas très loin. Je pense qu'à l'automne, on va avoir une meilleure indication de l'activité économique et publicitaire des clients», a-t-il dit.

Au cours des derniers mois, les magazines de Transcontinental ont essuyé une chute de 10 à 15 pour cent de leurs revenus publicitaires, alors que les imprimeries du groupe ont accusé une baisse de cinq à sept pour cent de leurs recettes, par rapport à la période correspondante de l'année précédente.

Aux États-Unis, le chiffre d'affaires des activités de publipostage de Transcontinental - très liées au secteur financier, en pleine tourmente - a plongé de 30 pour cent. Là aussi, François Olivier croit qu'on a «frappé le fond du baril».

Pour faire face à cette détérioration rapide des marchés, Transcontinental a mis en place deux plans de rationalisation: l'un en novembre aux États-Unis, et un autre en février au Canada et dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. En tout, près de 2000 travailleurs ont perdu leur emploi, et plusieurs des employés qui sont restés ont subi une baisse salariale.

Pour l'instant, l'entreprise montréalaise n'a pas l'intention de procéder à de nouvelles compressions. «On n'aura pas besoin de faire d'autres réajustements», a avancé M. Olivier.

Ceux qui prédisent la fin imminente des journaux imprimés se trompent, a soutenu le dirigeant. La période actuelle est «difficile et déterminante pour l'avenir» du secteur, a-t-il néanmoins admis. Selon lui, les éditeurs de quotidiens n'auront d'autre choix que de transformer leur «structure de coûts d'une autre époque».

«Les gagnants seront ceux qui auront la capacité de réduire leurs coûts et de «monétiser» leur offre sur internet», a-t-il affirmé.

Aux yeux de François Olivier, l'avenir des hebdomadaires, un secteur dans lequel Transcontinental est très présent, s'annonce plus rose, du fait que ces journaux dépendent davantage des annonceurs locaux. Or pour ces derniers, la publicité dans les médias imprimés demeure encore la plus efficace.

Cette réalité ne diminue pas l'importance, pour Transcontinental, de continuer à étendre sa présence sur le web. L'entreprise possède désormais plus de 120 sites. Une stratégie relativement nouvelle consiste à mettre à la disposition des annonceurs les listes d'abonnés aux magazines et de visiteurs des sites web afin d'effectuer des envois ciblés de circulaires et de courriels promotionnels en fonction des préférences de chacun.

«Si (un lecteur) ne le désire pas, évidemment on ne lui enverra pas», a assuré M. Olivier.

Quebecor World

À cet effet, la scission survenue entre le conglomérat médiatique Quebecor [[|ticker sym='T.QBR.B'|]] et l'imprimeur Quebecor World [[|ticker sym='T.IQW'|]] est de bon augure pour Transcontinental, puisque cette dernière serait désormais la seule entreprise à pouvoir offrir des services «multiplateformes» à ses clients.

«Je pense que ça c'est à notre avantage», a relevé François Olivier, en ajoutant que Transcontinental n'allait rien changer à son plan de match lorsque Quebecor World émergera de sa restructuration judiciaire, en juillet.

M. Olivier a par ailleurs répété que les difficultés financières du San Francisco Chronicle n'avaient pas d'impact sur le contrat d'impartition d'impression conclu avec Transcontinental. Le propriétaire du quotidien californien, Hearst Corporation, n'a pas cherché à renégocier l'entente, et de toute façon, l'investissement de 230 millions $ US effectué par Transcontinental est «protégé et garanti», a-t-il martelé, sans vouloir donner plus de détails.

«Si le journal ferme, il y a des clauses au contrat qui prévoient des indemnités pour Transcontinental», a expliqué le dirigeant, avant de reconnaître que dans une telle éventualité, il y aurait «des conséquences négatives pour tout le monde».

Les 230 millions $ US que Transcontinental a empruntés pour construire une imprimerie pour le San Francisco Chronicle ont toutefois joué un rôle dans la décision de l'agence de notation de crédit Standard and Poor's d'abaisser d'un cran la cote de solvabilité de l'entreprise, tout en la laissant dans l'univers des titres de qualité. François Olivier ne s'en fait pas: ce nouvel endettement aboutira au bilan de la société en juin, alors que le contrat n'aura pas encore commencé à produire des revenus, mais la situation se résorbera rapidement, d'après lui.

«Il y en a qui comprennent ça et il y en a d'autres qui ne veulent pas comprendre ça», a-t-il lâché.

M. Olivier a toutefois jugé peu probable que Transcontinental signe de nouveaux contrats d'impartition à moyen terme, puisque les éditeurs de journaux américains sont actuellement trop endettés pour se lancer dans une telle aventure. Il s'attend cependant à ce que d'autres éditeurs fassent appel, et ce plus rapidement que prévu, à la nouvelle usine de l'entreprise à San Francisco afin de réduire leurs coûts de production.

L'action de Transcontinental a clôturé lundi à 7,22 $, en baisse de 2,8 pour cent, à la Bourse de Toronto.