L'industrie du luxe et de l'horlogerie helvétique se prépare à une année noire, face à une récession mondiale qui pourrait bien sonner le glas de certains petits acteurs.

C'est ce qu'estiment les spécialistes à deux jours du coup d'envoi de Baselworld, le plus grand salon mondial du secteur.Touchée de plein fouet par la crise économique, la Suisse -- numéro un mondial du secteur -- l'horlogerie a vu ses exportations horlogères chuter de 22,4% en février après plusieurs années de hausse effrénée.

La liste des entreprises touchées par le recul des commandes ne cesse de s'allonger. Les horlogers helvétiques HGT, Raymond Weil, Roger Dubuis, Corum, Girard-Perregaux, Rolex et les sites suisses du géant français Cartier ont notamment annoncé des mesures de suppressions d'emplois ou de réduction du temps de travail.

Au coeur de l'industrie horlogère suisse, dans l'arc jurassien, environ 1000 emplois ont été perdus, selon le quotidien Le Temps.

Les deux géants du secteur ne se portent guère mieux. Richemont a ainsi réalisé au troisième trimestre de son exercice un chiffre d'affaires en baisse de 12% à 1,55 milliard d'euros (2,6 milliards CAN), tandis que son concurrent Swatch a vu ses ventes quasiment stagner (+0,5%) à 5,7 milliards de francs suisses (6,26 milliards CAN).

Les exportations horlogères suisses devraient encore reculer de 15% à 20% au premier semestre, estime l'analyste René Weber, de la banque Vontobel, qui table pour l'ensemble de l'année sur une baisse de 12%.

«Swatch et Richemont vont certainement profiter de la situation, les deux groupes n'étant pas endettés et disposant de suffisamment de liquidités», souligne-t-il.

En temps de crise, et alors que les distributeurs vident leurs stocks, les marques bénéficiant de la notoriété et d'une histoire sont privilégiées, aux dépens des nouveaux acteurs, note M. Weber.

Les petits horlogers «seront vites confrontés à des problèmes de liquidités, n'ayant pas forcément les fonds nécessaires» pour résister à la crise, affirme le président de la Fédération horlogère suisse, Jean-Daniel Pasche. «Il est possible que des marques cessent leur activité», pronostique-t-il.

«Un rétablissement ne devrait pas intervenir cette année, éventuellement l'année prochaine si les marchés reprennent confiance», selon l'analyste Patrick Hasenböhler, de la banque Sarasin.

Les organisateurs de Baselworld se disent eux-mêmes extrêmement prudents. «2009 s'annonce comme une année quelque peu nébuleuse pour la branche des produits de luxe», annoncent-ils dans un communiqué.

Le salon, qui sert de vitrine pour la profession mais aussi de lieu pour engranger des commandes, devrait accueillir beaucoup moins de visiteurs cette année, preuve d'une «plus grande retenue» des clients, affirme M. Hasenböhler.

Le segment du très haut de gamme devrait cependant tirer son épingle du jeu.

«Le très haut de gamme résiste mieux, c'est celui qui a progressé le plus» ces dernières années, constate M. Pasche. L'entrée de gamme devrait également s'en sortir, mais «entre les deux, ce sera vraiment difficile», ajoute-t-il.

«Les montres dans le haut de gamme sont aussi considérées comme un moyen de diversifier ses placements», estime l'analyste.

Baselworld ouvre ses portes jeudi à Bâle pour sept jours, avec près de 2000 exposants de 45 pays et 3000 journalistes attendus.