En dépit du ralentissement économique et des centaines de mises à pied annoncées au cours des derniers mois, l'industrie québécoise de l'aéronautique s'inquiète au sujet d'une éventuelle pénurie de main-d'oeuvre.

«À cause des tendances démographiques, le problème de la main-d'oeuvre n'a pas disparu, il est encore là», a déclaré hier Gilles Labbé, président et chef de la direction d'Héroux-Devtek, entreprise qui fabrique notamment des trains d'atterrissage.

 

De nombreux représentants de l'industrie québécoise de l'aéronautique se sont réunis hier à l'École polytechnique pour assister à la signature d'une entente de partenariat entre Aéro Montréal, organisation qui regroupe les divers intervenants de l'industrie, et le Carrefour de lutte au décrochage scolaire de Montréal.

Plusieurs représentants de l'industrie craignent notamment que les mauvaises nouvelles concernant le secteur ne fassent fuir les jeunes qui songeaient à s'engager en aéronautique.

«C'est ce qui est arrivé après la dernière crise, en 2001, a rappelé Marc Parent, président du conseil d'administration d'Aéro Montréal et chef de l'exploitation du fabricant de simulateurs de vol CAE. Ça a fait beaucoup de mal à l'industrie.»

Il a rappelé que, malgré les crises, l'emploi dans le secteur aéronautique a augmenté de 9,5% en moyenne par année au cours des 25 dernières années.

«Le secteur n'est pas à l'abri de la situation économique mondiale, mais, à moyen et à long terme, notre industrie continuera à avoir besoin de sang neuf, a soutenu M. Parent. Le consensus au sein des avionneurs, c'est que la flotte mondiale va doubler au cours des 20 prochaines années. Ça va prendre du monde.»

La vice-présidente aux affaires publiques et aux communications de Bombardier, Hélène Gagnon, a rappelé que l'avionneur aura besoin de beaucoup de main-d'oeuvre lorsqu'elle commencera à produire la CSeries, sa nouvelle famille d'appareils de 110 à 130 places. Elle a ajouté que Pratt & Whitney Canada commencera à peu près au même moment à produire des moteurs pour la CSeries dans sa nouvelle usine de Mirabel.

«C'est important que les gens regardent les choses à long terme parce que les besoins sont là», a-t-elle déclaré.

M. Parent a rappelé qu'une formation en aéronautique demande un certain temps.

«Lorsque ceux qui s'inscrivent maintenant obtiendront leur diplôme, nous serons en plein essor», a-t-il lancé.

En outre, ce ne sont pas toutes les entreprises du secteur de l'aérospatiale qui procèdent actuellement à des mises à pied: chez L-3 Communications MAS, à Mirabel, on est en pleine campagne de recrutement.

«Nous participons à des programmes de recherche», a expliqué le président, Sylvain Bédard.

Chez Héroux-Devtek, on a réussi à éviter les mises à pied jusqu'ici grâce à de nouveaux contrats. L'entreprise continue à chercher de nouveaux mandats pour poursuivre sur cette voie.

Inscriptions en hausse

Pour l'instant, les inscriptions dans les institutions d'enseignement qui offrent des formations en aéronautique continuent à augmenter, à la suite notamment du lancement de la CSeries en juillet dernier.

«En 2006, il y avait 500 élèves à l'École nationale d'aérotechnique (ENA - collège Édouard-Montpetit), a noté le directeur de l'établissement, Serge Brasset. En septembre dernier, nous n'étions pas loin de 1000. Les jeunes ont l'impression, et c'est ce que nous croyons, que la crise est temporaire. Et c'est moins grave que ce qui se passe dans l'automobile.»

Il a ajouté qu'un nouveau programme offert par l'ENA et l'École polytechnique remportait beaucoup de succès.

À l'École des métiers de l'aérospatiale de Montréal (ÉMAM), établissement de niveau secondaire, on compte également un millier d'élèves, comparativement à 500 ou 600 il y a un an. Et on a dû établir une liste d'attente.

«Il n'y a pas eu une baisse d'intérêt, mais une augmentation de l'inquiétude, a indiqué Martin Barrette, directeur adjoint de l'ÉMAM. Les gens se demandent s'ils pourront faire un stage ou s'ils auront un emploi à la fin de leur formation.»