La grisaille qui voile de plus en plus le portrait de la construction résidentielle au Canada ne laisse pas présager un orage comme celui qui balaie l'industrie américaine depuis deux ans.

Le premier recul annuel en 17 ans de l'indice du prix des maisons neuves de Statistique Canada a surpris hier les experts, dont plusieurs parlent maintenant de correction. L'annonce fait suite en outre au fort recul des mises en chantier au cours du même mois.

 

En réalité, le repli de 0,8% n'est pas généralisé. Il est concentré dans les Prairies et en Colombie-Britannique, là où le prix des maisons s'était ballonné de 2005 jusqu'au milieu de l'an dernier.

Il doit aussi être mis en perspective. Durant le pire de la récession canadienne de 1990-1991, le repli annuel s'était rendu jusqu'à 9,7%. Aux États-Unis en janvier 2009, il a touché un creux historique de -13,5%.

Au Québec dans son ensemble, le taux de croissance des prix sur 12 mois s'élève encore à 5,7%. Il est maintenant contenu à 3,8% à Montréal.

Cela dit, même dans la société distincte, la croissance des prix ralentit: de décembre à janvier, le gain est limité à 0,6% à Québec et à 0,1% à Montréal, par exemple. Cela reste mieux que pour l'ensemble du pays, où le recul mensuel atteint 0,6%, le plus prononcé depuis la récession de 1991.

«Comme les stocks de maisons neuves ou en revente s'accumulent, il faut voir les futures baisses des prix demandés par les constructeurs comme un élément positif destiné à diminuer le nombre d'unités non vendues, font remarquer Derek Holt et Karen Cordes, économistes chez Scotia Capitaux. D'autant plus que plusieurs d'entre eux amorcent ce mouvement alors que leurs marges sont élevées.»

Le Conference Board du Canada publiait d'ailleurs hier ses perspectives pour l'industrie de la construction. L'organisme situé à Ottawa prédit des bénéfices de 3,2 milliards de dollars pour l'année en cours. Il s'agit d'une baisse de 735 millions par rapport à 2008, mais tout de même un niveau de rentabilité que doivent envier les promoteurs immobiliers américains.

La récession incite moins les gens à devenir propriétaires, surtout quand ils risquent de perdre leur emploi. D'autres à qui c'est déjà arrivé accusent parfois un retard dans leurs paiements hypothécaires. Le nombre de prêts défaillants s'est élevé à 12 914, d'un océan à l'autre en décembre, soit un bond annuel de 33%, le plus élevé en 13 ans. «Cela doit cependant être mis en perspective, note Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. Le nombre de prêts défaillants avait bondi de 160% durant la récession de 1990-1991.»

Il note aussi que seulement 0,3% du total des prêts sont défaillants, comparativement au sommet de 0,65% de 1990. Aux États-Unis, on est rendu à 2,8%.