Ben Bernanke, dont Barack Obama devrait annoncer mardi la reconduction à la tête de la Réserve fédérale américaine, est un spécialiste reconnu de la Grande Dépression qui semble comme hanté par la volonté d'éviter la répétition d'un tel scénario.

Le président américain avait loué en juin le «travail extraordinaire» de cet homme de 55 ans, qui a engagé son institution dans une intervention sans précédent pour soutenir l'économie, convaincu que la crise de 1929 avait été amplifiée par les erreurs de la banque centrale.

C'est son travail sans relâche pour sauver l'économie américaine de ce qu'il a qualifié de «la pire crise financière depuis les années 1930» qui a valu à M. Bernanke de gagner la confiance du président, à qui l'on prêtait au départ l'intention de se débarrasser de cet universitaire nommé par son prédécesseur George Bush fils.

M. Bernanke a eu la lourde tâche de prendre la tête de la Réserve fédérale en février 2006 après 18 ans de présidence d'Alan Greenspan, alors au pinacle de sa gloire. Mais il est rapidement revenu sur l'héritage de l'ancien oracle de Wall Street.

La face la plus évidente de sa «révolution» à la Fed est la politique de sauvetage d'institutions financières et de relance monétaire sans précédent mise en oeuvre au plus fort de la crise.

Mais en douceur, ce barbu posé, discret et bonhomme que tout ou presque oppose à son prédécesseur, a profondément bouleversé les habitudes à la banque centrale, en refusant d'abord de tomber dans le «culte» dont faisait l'objet M. Greenspan - dont les propos sybillins pouvaient faire vaciller ou flamber les marchés-, et en amenant la Fed à communiquer énormément sur ses actions et ses attentes.

Fils d'un pharmacien et d'une institutrice ayant grandi à Dillon, petite ville de Caroline du Sud (Sud-Est des Etats-Unis), Ben Shalom Bernanke, a échappé à un destin qui semblait tout tracé après qu'un de ses camarades d'école afro-américains un peu plus vieux que lui eut convaincu ses parents de le laisser le rejoindre à Harvard.

Après des études brillantes dans cette université renommée vint le doctorat en économie de l'Institut technologique du Massachusetts (MIT) et les années d'enseignement à la célèbre université de Princeton, dont il a présidé le département économique de 1996 à 2002.

Nommé gouverneur à la Fed, en 2002, il quittera son poste en 2005 pour présider le groupe des conseillers économiques du président George Bush, avant que celui-ci le nomme à la tête de la banque centrale pour un mandat de quatre ans.

M. Bernanke, qui a raconté récemment avoir rencontré sa femme Anna lors d'un rendez-vous surprise, s'est vu surnommer «Ben l'Hélicoptère» après un discours prononcé en novembre 2002, peu après son arrivée au Conseil des gouverneurs de la Fed.

Dans cette allocution intitulé «Déflation: s'assurer que cela n'arrive pas ici», il faisait référence à une théorie de l'économiste Milton Friedman selon laquelle les autorités monétaires peuvent sortir un pays d'une «trappe à liquidités» (quand les taux d'intérêts sont à zéro et ne peuvent plus stimuler l'économie) en donnant de l'argent directement aux entreprises ou aux consommateurs.

L'image de Friedman était celle d'un banquier central arrosant la foule de billets à partir d'un hélicoptère. Face à l'intensification de la crise, la Fed de M. Bernanke est passée de la théorie à la pratique.

L'action de M. Bernanke est comme marquée par le souvenir des erreurs de la Fed dans les années 1930, qui avaient débouché sur une déflation transformant la récession de 1929 en une dépression historique, ainsi qu'il l'a écrit dans son livre «Essais sur la Grande Dépression», paru en 2004.

En attendant de savoir ce que l'Histoire retiendra de son action, ce père de deux enfants est déjà assuré que son nom ne tombera pas dans l'oubli: sa ville de Dillon l'a honoré en mars en baptisant l'échangeur autoroutier du coin à son nom.