La justice française vient d'être saisie par un collectif regroupant plus d'une centaine de personnes qui affirment avoir été grièvement affectées par... des fauteuils chinois «empoisonnés».

Les victimes de l'affaire - qui concerne notamment un ressortissant franco-québécois - disent avoir développé de sérieuses affections cutanées ou des troubles respiratoires en raison de la présence dans ces meubles d'une substance allergène, le diméthylfumarate (DMF), censée protéger le cuir des moisissures.

 

Ils souhaitent que le distributeur Conforama, qui a vendu des milliers d'exemplaires des fauteuils dans le pays, soit condamné pour «blessures involontaires» et «mise en danger d'autrui».

«On n'achète pas un fauteuil pour être empoisonné. On l'achète pour prendre ses aises et finir ses jours bien installé», souligne Claudette Lemoine, une femme de 66 ans du nord du pays qui est à l'origine du collectif.

Son mari, aussi âgé de 66 ans, a commencé à développer une grosse irritation peu après qu'elle lui eut offert un fauteuil pour l'aider à se remettre de problèmes médicaux en 2007.

«Il se grattait tout le temps le dos quand il était assis dedans. Je lui ai demandé: pourquoi tu fais ça? Tu as des puces?» relate Mme Lemoine, qui a rapidement vu les choses prendre une tournure dramatique.

Son conjoint a vu apparaître, sur son dos, une plaque de la taille d'une main qui ressemblait à une brûlure. Et qui n'a fait que continuer à s'élargir malgré la pommade prescrite par un médecin perplexe.

«Ca démangeait, ça suintait, ça faisait très, très mal. Il a vécu un véritable calvaire», souligne Mme Lemoine, qui a fini, après des mois de recherche, par faire le lien avec le DMF et le fauteuil.

L'affaire a véritablement éclaté en France lorsqu'un dermatologue de Strasbourg, confronté à un patient souffrant d'une irritation cutanée sur le dos et à l'arrière des cuisses, a fait le lien avec des cas similaires signalés en Finlande et en Grande-Bretagne. Il a sonné l'alarme après avoir vérifié que l'homme avait acheté un fauteuil contenant des sachets de DMF.

Conforama a avisé en juillet par lettre plus de 38 000 clients qui avaient acheté un fauteuil du risque potentiel posé par la présence du DMF en leur offrant la possibilité de remplacer leur achat s'ils le voulaient. L'entreprise a parallèlement coupé les liens avec son fournisseur chinois.

À ce jour, plus de 500 acheteurs ont déposé des dossiers médicaux auprès de sa direction pour être dédommagés. «Nous avons pris toutes les mesures qu'il fallait prendre», assure la porte-parole de Conforama, Isabelle Hoppenot.

Mme Lemoine n'est pas de cet avis. Elle réclame que tous les fauteuils contenant du DMF soient récupérés et détruits pour éviter que d'autres personnes puissent être affectées.

«Imaginez qu'un des fauteuils soit cédé à Emmaüs (une organisation d'aide aux personnes défavorisées) et se retrouve dans la famille de pauvres gens qui vont être touchés à leur tour», déplore-t-elle.

Réactions inégales

La question est d'autant plus sensible, dit Mme Lemoine, que tout le monde ne réagit pas nécessairement à la présence du produit. Les résidants d'une maison peuvent l'utiliser sans réaliser qu'il y a un risque jusqu'à ce qu'un visiteur allergique éprouve une réaction.

C'est ce qui est arrivé à Robert Venturini, un résidant de Chertsey, au Québec, qui passe actuellement une année en France. Il a développé une irritation cutanée en avril dernier lors d'une visite à la résidence de sa soeur, qui vit près de Tours.

L'homme de 62 ans relate avoir vu apparaître des plaques sur ses cuisses après avoir fait plusieurs siestes dans un meuble provenant de Conforama.

«Elles suintaient abondamment... Au début, j'avais très peur parce que je ne savais pas si ça pouvait être cancérigène», souligne M. Venturini, dont les plaques se sont résorbées au bout de quelques semaines.

En France, l'affaire ne se limite pas qu'aux fauteuils puisque des personnes ayant acheté des bottes de cuir ou des souliers contenant des sachets de DMF se sont aussi plaintes au cours des derniers mois d'irritations similaires.

En janvier, la Commission européenne a réagi à la polémique en interdisant formellement l'importation de biens contenant le produit controversé.

Mme Lemoine estime que la vente de fauteuils «empoisonnés» en France démontre le caractère inquiétant des pratiques manufacturières chinoises, déjà mis en lumière par l'affaire du lait contaminé et des jouets à la peinture toxique.

«On fait de l'esclavagisme d'un côté (dans les usines chinoises) pour rendre les gens malades de l'autre côté», dénonce-t-elle