Le brouillard économique est pas mal plus épais que prévu, et la Banque du Canada se rend compte qu'elle devra agir encore plus vigoureusement pour le dissiper.

En réduisant son taux de moitié pour le porter à un bas historique 0,5%, la Banque du Canada a aussi fait savoir que des mesures quantitatives - et inhabituelles - sont sur le radar. «Elle se prépare à mettre en place tous les moyens possibles pour soutenir l'économie», note Douglas Porter, économiste chez BMO Marchés des capitaux.

 

Surtout, la Banque ne dit plus mot d'une croissance de 3,8% pour 2010, comme c'était le cas dans le communiqué annonçant le dernier ajustement des taux, le 20 janvier.

«Les perspectives économiques à l'échelle du globe ont continué de se détériorer depuis (...) janvier dernier, l'activité au sein des grandes économies se révélant plus faible que prévu», lit-on dans le communiqué publié hier par la banque centrale.

«Des retards possibles dans la stabilisation du système financier mondial, ainsi que des répercussions plus importantes que prévu de l'érosion de la confiance et des effets de richesse sur la demande intérieure, pourraient faire en sorte que l'écart de production ne commencera pas à se résorber avant le début de 2010», ajoute-t-on.

Selon Mathieu D'Anjou, économiste senior chez Desjardins, «la Banque se rend compte que son scénario de janvier était trop optimiste. Elle reconnaît que la situation se dégrade rapidement. Le ralentissement sera plus prononcé et l'inflation encore plus basse que prévu».

Dans ce contexte, on peut s'attendre à ce que le taux directeur - qui a baissé de 400 points de base depuis décembre 2007 - demeure à 0,5% ou à un niveau inférieur «au moins jusqu'à ce que des signes évidents montrent que l'offre excédentaire se résorbe», a fait savoir la Banque du Canada. En d'autres mots, les taux seront bas pour longtemps.

En annonçant cela, la Banque espère ainsi affecter toute la courbe des taux d'intérêt, jusqu'aux taux à long terme, soutient Mathieu D'Anjou.

Sébastien Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne, ne prévoit pas de hausse de taux pour environ un an. «Il s'agit d'une bonne nouvelle pour toutes les entreprises et les ménages qui ont besoin de se financer».

Mesures quantitatives

Si la Banque garde la porte ouverte pour une nouvelle baisse de taux, tout porte à croire qu'elle misera plutôt, si nécessaire, sur des mesures «d'octroi de crédits et d'assouplissement quantitatif» afin de gonfler la masse monétaire. La Banque reste volontairement floue, et tous les économistes ne s'entendent pas sur la nature exacte des actions envisagées.

Reste qu'en injectant des liquidités (par exemple via l'achat de titres de dette comme des obligations ou des papiers commerciaux), la Banque permettrait de faciliter le crédit en réduisant les coûts d'emprunt.

«L'assouplissement quantitatif est une mesure très agressive, note Douglas Porter. La Banque ne s'engage pas avec certitude, mais elle met en place tout le nécessaire au cas où elle voudrait l'utiliser.»

La Banque donnera plus de détails sur la nature et les modalités d'application d'éventuelles mesures quantitatives dans son prochain Rapport sur la politique monétaire, le 23 avril. Si elle hésite à se lancer dès maintenant, c'est par crainte de l'inflation, affirme Sébastien Lavoie. «La Banque a toujours l'inflation en tête et ne veut pas qu'elle dépasse la cible de 2%. Elle y va étape par étape.»

Encore optimiste

Si la Banque a vraisemblablement revu à la baisse ses prévisions économiques, elle n'en conserve pas moins un minimum d'optimisme pour le pays.

«La vigueur fondamentale de l'économie et du secteur financier du Canada devrait assurer une reprise plus rapide au pays que dans la plupart des autres économies industrialisées», soutient-elle.

Mais «la stabilisation du système financier mondial demeure une condition préalable à la reprise économique au Canada et à l'étranger».

En clair, résume Douglas Porter, le Canada ne se stabilisera pas avant que les États-Unis n'y parviennent.