Alors que Nortel Networks (T.NT) dévoilait, hier, de nouvelles pertes de plus de deux milliards, les retraités de l'entreprise au bord de la faillite commencent à voir rouge.

Certains retraités ont déjà perdu des milliers de dollars dans la restructuration de la société qui s'est placée sous la protection des tribunaux, le 14 janvier dernier. Depuis cette date, Nortel a cessé de verser des prestations et allocations de retraite qui n'étaient pas financées à partir de la caisse de retraite enregistrée.

 

«Ces régimes ne sont pas provisionnés à l'avance. Le versement des prestations de ces régimes a été interrompu», précisait une lettre expédiée aux retraités de Nortel.

Tout d'abord, le régime de retraite complémentaire des anciens membres de la haute direction de Nortel s'est évanoui.

Ensuite, certains préretraités de Nortel ont perdu la rente de raccordement qui leur était versée, en attendant la date officielle de leur retraite.

Lors d'une vague de mises à pied, l'automne dernier, Nortel avait offert le choix entre cette rente de raccordement et une indemnité de départ pure et simple, à ses employés qui se trouvaient à moins de deux ans de l'âge de la retraite.

Au lieu d'opter pour une indemnité d'environ 74 000$, un ex-employé qui souhaite conserver son anonymat, a choisi la préretraite, car cette option lui permettait de conserver son régime d'assurance santé.

Il devait recevoir environ 40 000$ par année, pendant deux ans, à partir de novembre. Mais il n'aura pas un sou. «Mon bridge (préretraite), c'est zéro. Mon régime d'assurances, c'est zéro. J'ai zéro revenus», résume l'homme de 52 ans qui cherche un nouvel emploi. «C'est comme si quelqu'un m'avait poignardé dans le dos», dit-il.

Ce n'est pas tout, cet ex-employé perd aussi les prestations découlant du régime d'allocation de retraite, que Nortel vient aussi d'interrompre.

En vertu de ce régime, les employés touchaient, au moment de leur retraite officielle, un montant forfaitaire ou échelonné dans le temps, oscillant entre 80 000$ et 115 000$, explique Pierre Lebrun, de la section locale 1999 des Teamsters, qui représente les syndiqués de Nortel. Selon lui, environ un millier de retraités de Nortel au Québec seront touchés par l'interruption de ce régime.

Finalement, le régime d'assurance des soins médicaux des retraités est aussi en danger. «Il pourrait être interrompu ou cesser à n'importe quel moment», ajoute-t-on dans la lettre.

Questionnée par La Presse, Nortel n'a pas voulu dire combien de retraités sont touchés par ces restrictions ni préciser les sommes en cause.

Les rentes à risque

Mais il y a encore plus grave. Tous les retraités de Nortel et futurs retraités de Nortel pourraient subir une réduction de leur rente de retraite, advenant la faillite de l'entreprise.

Il faut savoir que le régime de retraite est actuellement en déficit de plus de 1 milliard, c'est-à-dire que les actifs que renferme la caisse (environ 8 milliards) ne sont pas suffisants pour couvrir toutes les rentes promises. Normalement, l'employeur doit renflouer la caisse lorsqu'elle est dans le rouge. Mais s'il déclare faillite, ce sont les bénéficiaires qui écopent.

«Nous ne prévoyons, dans l'immédiat, aucune modification aux prestations de votre régime de retraite enregistré», indique la lettre de Nortel.

Mais à moyen terme, les rentes dépendent entièrement du projet de restructuration que Nortel doit présenter en mai. «Je ne serais pas surpris que le délai soit prolongé. Ça peut durer encore un an», dit M. Lebrun. «Moi, je ne pense pas que Nortel s'en sorte», ajoute-t-il.

Dans un tel cas, combien les retraités de Nortel perdraient-ils? «Nous ne pouvons pas déterminer l'impact du sous-financement de nos régimes de retraite, en ce moment. Ultimement, l'impact dépendra des conditions du marché et du processus devant les tribunaux», a répondu le porte-parole de Nortel, Mohammed Nakkhooda.

Mais voici un indice. Les travailleurs qui ont quitté Nortel peuvent demander un transfert de la valeur de leur régime. Mais en ce moment, ils ne peuvent recevoir que 85% de leur valeur, compte tenu du déficit actuariel du régime, dont la dernière évaluation remonte à la fin de 2006. Si Nortel survit, ils recevront le solde de 15% d'ici cinq ans.

«Mais moi, je pense qu'ils sont chanceux, car la vraie valeur de la caisse est probablement encore plus basse», dit M. Lebrun.

En effet, depuis 2006, la situation de tous les régimes de retraite au Canada s'est considérablement détériorée, à cause de la chute des Bourses et de la baisse des taux d'intérêt. En moyenne, le ratio de solvabilité (les actifs sur le passif) est tombé à 60% à la fin de 2008, selon Mercer Canada.