La Réserve fédérale américaine a annoncé mercredi un tournant historique dans la conduite de sa politique monétaire avec l'apparition d'objectifs économiques chiffrés, qui s'avèrent ambitieux par rapport à ce qu'elle prévoit pour une économie américaine en pleine crise.

Dans un communiqué, la Fed a annoncé avoir pris lors de la réunion de son comité de politique monétaire des 27 et 28 janvier, dont les minutes ont été publiées mercredi, la décision d'avoir désormais des objectifs chiffrés de croissance, d'inflation et d'emploi à long terme.

Ces objectifs sont une croissance annuelle du produit intérieur brut de 2,5% à 2,7%, une hausse annuelle des prix de 1,7% à 2,0%, et un niveau de chômage limité entre 4,8% et 5,0%.

Cette décision s'est accompagnée d'une révision à la baisse des prévisions économiques pour l'année. La Fed prévoit désormais une baisse de 1,3% à 0,5% du PIB en 2009 par rapport à l'année précédente.

Elle a dit tenir compte «d'indicateurs économiques plus faibles que prévu ayant plus qu'effacé une révision à la hausse de l'hypothèse sur le montant du plan de relance à venir».

En revanche, pour 2010, la prévision a été revue «légèrement à la hausse», avec une croissance de 2,5% à 3,3%.

La Fed a estimé par ailleurs que «le chômage augmenterait de manière importante jusqu'au début 2010, avant de redescendre légèrement le reste de l'année». Selon ses prévisions, il atteindrait 8,5% à 8,8% en 2009, puis 8,0% à 8,3% en 2010.

Les objectifs de long terme énoncés sont donc ambitieux, au moment la première économie mondiale traverse une longue récession, officiellement commencée en décembre 2007.

Ce choix d'objectifs chiffrés est une rupture historique dans la politique monétaire de la Fed, qui avait jusque-là suivi une ligne flexible lui permettant de s'adapter rapidement aux conditions économiques, sans s'engager sur une performance économique définie.

Créée en 1913, la banque centrale américaine a pour objectifs généraux, dans ses statuts, d'avoir une politique monétaire compatible avec la stabilité des prix et un niveau d'emploi maximal.

Contrairement à elle, la Banque centrale européenne, qui a dans ses statuts depuis sa création en 1998 l'unique mission d'assurer de la stabilité des prix, s'était toujours fixé un objectif chiffré d'inflation. Il est actuellement fixé à un niveau «sous mais proche des 2% à moyen terme».

Le président de la Fed Ben Bernanke reconnu avant son entrée en fonction comme l'un des plus éminents spécialistes mondiaux de la politique monétaire, a toujours défendu des principes inflexibles sur ce que devait être celle de la Fed.

Pour lui, le rôle d'une banque centrale est de fournir à l'économie les liquidités et les crédits nécessaires pour maintenir des conditions économiques favorables.

M. Bernanke a de nouveau défendu cette idée mercredi lors d'un discours à Washington, répondant aux économistes qui ont estimé ces dernières semaines que la Fed avait créé trop de monnaie et ainsi couru le risque d'une inflation incontrôlable.

«Nous voyons peu de risque d'une inflation à des niveaux plus élevés que ce qui est acceptable, à court terme», a-t-il affirmé.

«La Réserve fédérale a fait, et continuera à faire tout son possible dans les limites de ses pouvoirs pour redonner à notre pays la stabilité financière et la prospérité économique aussi vite que possible», a-t-il souligné.