Grâce à son interface et à son design séduisants, l'iPhone, d'Apple, est rapidement devenu le gadget de l'année, en 2008. Grâce à l'App Store, sorte de boutique virtuelle où l'utilisateur peut se procurer, moyennant quelques dollars, des milliers d'applications très diverses, l'iPhone est aussi devenu le chouchou des développeurs. Or, voilà: depuis deux semaines, l'App Store est brisé, et ses applications, presque toutes piratées.

Des pirates regroupés sous la bannière Hackulous ont lancé un outil logiciel, Crackulous, qui permet de pirater soi-même les applications installées sur son iPhone. Ils ont aussi lancé, en parallèle, une seconde application, Installous, qui se veut le marché noir des applications piratées. On y trouve une version gratuite et fonctionnelle de plusieurs centaines des applications qui, sur l'App Store, se vendent légitimement à plein prix. Installous télécharge et installe le tout en un instant. C'est simple et, en un mot, aussi rapide qu'avec l'App Store.

 

Des développeurs inquiets

Hackulous explique qu'il est injuste de devoir acheter en double une application qu'on souhaiterait transférer de son iPhone à son iPod Touch, si on en est l'unique propriétaire, et que c'est dans ce but que ces outils ont été développés. On s'en doute, Apple, qui refuse de commenter cette nouvelle, n'est probablement pas du même avis. Pour utiliser les services de Hackulous, il faut d'ailleurs déverrouiller (jailbreak) son appareil, une manoeuvre qui, selon le géant informatique, annule la garantie sur ses produits.

Pourtant, si le phénomène était marginal il y a deux semaines, il a pris de l'ampleur depuis, à tel point que les serveurs hébergeant les services du collectif Hackulous -outre Crackulous et Installous, le site comprend aussi des forums de discussion où les internautes peuvent trouver des sources additionnelles de contenu piraté- ont finalement cédé sous la pression, le week-end dernier. Un porte-parole anonyme du groupe a laissé entendre que de nouveaux serveurs, plus puissants, seraient mis en service sous peu.

Pour de nombreux développeurs d'applications mobiles, c'est une situation plus qu'inquiétante. Pourtant, le piratage logiciel n'est rien de bien nouveau, constate Luc Vandal, de la société Edovia, concepteur de logiciels informatiques de Montréal. «C'est très facile de pirater les applications pour l'iPhone. C'est sûr qu'il y a un paquet de développeurs qui paniquent, car ils ne sont pas familiers avec le phénomène, dit-il. Mais c'est une tempête dans un verre d'eau. De toute façon, je ne pense pas que (ceux qui utilisent des applications piratées) achèteraient leur version payante.»

Au moins une application créée par Edovia a été piratée: Linguo, un traducteur instantané qui se vend pour 4$US. Il en faut plus pour faire sourciller son créateur, qui rappelle que de toute façon, le piratage est un problème bien plus grave sur PC.

Un phénomène mondial

Sans connaître l'impact du piratage sur l'iPhone sur son chiffre d'affaires, André Lauzon, producteur exécutif pour le studio de jeu vidéo EA Mobile situé à Montréal, note que le piratage d'applications mobiles n'est pas un phénomène nouveau. «Il y a du piratage partout. En Chine, c'est encore pire. Mais le modèle d'affaires s'est ajusté et ça commence à changer.» En Asie, le piratage affecte de nombreux types de téléphones, pas seulement les téléphones intelligents comme l'iPhone. Des développeurs y offrent leurs produits sous forme d'abonnement mensuel, réglant en partie le problème.

Luc Vandal pense qu'Apple pourrait aussi corriger le tir en mettant à jour son catalogue de produits. «Apple pourrait régler le problème en changeant les caractéristiques de son téléphone.» Mais ce ne serait qu'une solution provisoire: le piratage reviendra, pense-t-il. «C'est le jeu du chat et de la souris.» À l'ère de l'informatique mobile, le piratage mobile est là pour rester. Il faudra s'y faire, croient MM. Vandal et Lauzon.