Pour développer ses activités et éviter la liquidation de ses deux régimes de retraite, La Presse Canadienne (PC) demande à son personnel et à ses retraités d'abandonner son statut de coopérative.

Elle lancera en outre un nouveau programme de retraites anticipées dont le succès déterminera si des licenciements pourraient s'avérer nécessaires.

 

La coopérative d'information, créée par une loi fédérale en 1923, fait face à de sérieuses difficultés financières, depuis la désaffiliation de la chaîne de journaux Canwest, il y a deux ans. La détérioration de l'économie a transformé ces difficultés en crise.

Ses 309 employés et cadres ont été informés par courriel en milieu de semaine que l'entreprise avait obtenu d'Ottawa la possibilité de modifier son statut et d'obtenir un allègement réglementaire.

Pour ce faire, le gouvernement fédéral exige que moins du tiers de ses employés actifs ou retraités ne s'oppose au gel, jusqu'en novembre 2010, des cotisations que la coop doit verser pour combler deux déficits de solvabilité qui dépasseraient en tout les 30 millions de dollars. Ces paiements ne sont pas abolis, ils sont reportés.

La proposition présentée aux employés prévoit en outre que l'employeur prendra un congé de cotisations au service courant jusqu'en 2012.

L'argent épargné par l'entreprise servira d'investissement dans une PC transformée «Nous voulons changer le modèle de coopérative, a déclaré en entrevue à La Presse Eric Morrison, président de la PC. Il faut évoluer sans quoi on ne peut réussir. Nous sommes confiants que notre proposition négociée sera acceptée.»

Les employés auront aussi congé de cotisations pendant trois ans. En contrepartie, ils n'accumuleront pas de crédit de rente durant toute la période de congé.

Les cotisations de la PC à ses deux régimes de retraite seront limitées en 2009 à l'étalement sur 12 mois du paiement de 1,2 million dû en décembre 2008.

«À court terme, l'arrangement proposé augmentera le risque financier que supportent les membres du régime, écrivent les négociateurs patronaux et syndicaux de l'entente dans un courriel transmis aux employés mercredi. D'après nous, un risque additionnel à court terme est une option préférable à la liquidation du régime.»

Les prestations aux retraités ne sont pas touchées par la proposition.

Contrairement à tous les autres régimes de retraite à prestations déterminées au Canada, ceux de la PC ne doivent pas forcément être renfloués en cas de terminaison non provoquée par la faillite. Cela s'explique par la singularité de sa loi constitutive. La PC est une coop qui appartient à ses membres (les journaux) qui la financent avant tout au pro rata de leurs tirages et aussi par l'abonnement à certains services.

«Les sociétaires manifestent beaucoup d'inquiétude devant la détérioration des finances de l'entreprise, explique en entrevue Terry Pedwell, président de la section locale de la Guilde des médias canadiens qui représente les syndiqués de la PC. Ils craignent devoir supporter le passif et les engagements de l'entreprise.»

Selon M. Pedwell, la direction de la PC a prévenu le syndicat de la nécessité d'une restructuration l'été dernier. C'est toutefois à la fin de novembre que d'intenses négociations ont été engagées.

Pour résoudre les inquiétudes de ses sociétaires, éviter de nouvelles désaffections et assurer son avenir, la PC tentera de s'incorporer selon des modalités à négocier, si les concessions demandées au régime de retraite sont avalisées.

En échange de leurs concessions, les employés auront droit soit à une participation au capital-actions de la nouvelle PC, soit à une part des profits pouvant aller jusqu'à la valeur des cotisations non versées durant les trois ans de congé.

«L'arrangement proposé est basé en grande partie sur le projet de la compagnie de passer à un nouveau modèle d'affaires qui attire de nouveaux investissements externes», lit-on aussi dans le courriel.

Tout en affirmant leur confiance dans l'avenir de la PC, les signataires concluent que «quelques licenciements pourraient être nécessaires» si le programme de retraite anticipée ne donnait pas les fruits escomptés.