Au rythme où vont les choses, le gouvernement du Québec tombera en déficit non pas l'an prochain, mais dès le présent exercice, qui se termine le 31 mars. Pire: les surplus accumulés ces dernières années seront à peine suffisants pour boucher le trou qui se creuse.

C'est ce qu'on peut tirer comme conclusion du plus récent Rapport mensuel des opérations financières du ministère des Finances, publié vendredi. Pour le seul mois de novembre, le gouvernement a essuyé un déficit de 411 millions de dollars, principalement en raison d'une baisse importante des revenus tirés de la TVQ et de l'impôt des sociétés.

 

Au cours des huit premiers mois de l'exercice, le déficit atteint 1,4 milliard de dollars. Si les finances continuent de s'enfoncer au rythme des derniers mois, le déficit de l'année oscillera entre 2 et 3 milliards de dollars, selon des extrapolations de La Presse Affaires.

Pour arriver à de telles conclusions, nous avons dressé trois scénarios pour le déficit. Le premier suppose que les quatre derniers mois de l'exercice seront le reflet des huit premiers, ce qui donne un déficit de 2 milliards. Le deuxième fait l'hypothèse que les quatre derniers mois seront plutôt semblables aux trois plus récents, pour un déficit de 2,5 milliards. Enfin, le dernier scénario suppose que les prochains mois auront un déficit moyen comparable à celui de novembre, pour un déficit annuel de 3 milliards.

Dans son Énoncé économique du 14 janvier, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, prévoyait être en mesure d'atteindre l'équilibre budgétaire en utilisant «une partie de la réserve budgétaire accumulé au 31 mars 2008». Or, cette réserve, de 2,3 milliards, pourrait maintenant être à peine suffisante pour combler le trou qui se creuse.

Dans le budget de mars 2008 et dans l'énoncé préélectoral de novembre 2008, la ministre prévoyait n'utiliser que la moitié des 2,3 milliards de surplus accumulés pour atteindre l'équilibre budgétaire cette année. Le reste devait être utilisé l'an prochain (exercice 2009-2010).

Joint au téléphone, le sous-ministre adjoint à la politique budgétaire, Luc Monty, n'a pas voulu faire d'extrapolations. Néanmoins, admet-il, «les effets du ralentissement économique se font sentir».

En particulier, les revenus tirés de l'impôt des sociétés ont fondu. Depuis le début de l'exercice, le gouvernement du Québec n'a récolté que 2,1 milliards de dollars à ce chapitre, une baisse de 19% par rapport à la période correspondante de 2007. Dans l'énoncé économique de novembre, le gouvernement avait prévu un recul de 4,7% de l'impôt des sociétés pour les 12 mois de l'exercice.

Autre recul notable: les revenus tirés de la TVQ. En novembre, juste avant les Fêtes, Québec a enregistré une baisse de 14,7% de ses revenus de TVQ par rapport à novembre 2007, à 1 milliard de dollars. Pour les huit premiers mois de l'année, les revenus de TVQ sont en hausse de 1%.

Les recettes tirées des sociétés d'État (Hydro, SAQ, etc.) ont également fondu en novembre, de 44,2%. Le gouvernement n'a donc pu engranger que 298 millions. À cet égard, Luc Monty souligne toutefois que «les résultats sont généralement meilleurs en fin d'exercice».

L'économiste en chef adjoint du Mouvement Desjardins, Yves St-Maurice, estime qu'il est fort possible que les finances du Québec se dégradent au cours des prochains mois. Il ne s'avance toutefois pas à faire de projections. «Les données mensuelles sont très volatiles; il est très difficile d'en tirer des conclusions», dit M. St-Maurice.

Hydro-Québec à surveiller

De fait, les seuls résultats d'Hydro-Québec pour le premier trimestre de 2009 -les mois payants de l'année- peuvent changer le portrait. En 2007 et 2008, par exemple, Hydro avait enregistré des profits records excédant 1,4 milliard entre janvier et mars, soit environ la moitié des profits annuels.

Au cours des dernières semaines, le premier ministre Jean Charest et la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, n'ont pas exclu la possibilité de faire un déficit, du moins pour 2009-2010.

Le Québec n'est pas le seul dans cette situation. Lundi, le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, a averti que sa province accumulerait les déficits au cours des prochaines années, en raison de la récession. Certains prévoient même que l'Ontario enregistrerait un déficit de 5 milliards dès cette année, selon La Presse Ccanadienne.

La Colombie-Britannique enregistrera également des déficits au cours des deux prochaines années, a indiqué le premier ministre, Gordon Campbell.