Le taux directeur de la Banque du Canada n'a jamais été aussi bas, mais la Banque laisse entendre qu'il pourrait diminuer encore.

Le taux directeur de la Banque du Canada n'a jamais été aussi bas, mais la Banque laisse entendre qu'il pourrait diminuer encore.

En l'abaissant de 50 centièmes pour le porter à 1%, les autorités monétaires canadiennes ont indiqué qu'elles suivront la situation économique de près "afin de déterminer dans quelle mesure une nouvelle détente monétaire sera nécessaire".

Ces mots se retrouvaient tels quels dans le communiqué de décembre où la Banque avait surpris les marchés par une baisse de 75 centièmes. Depuis le présent mouvement de détente monétaire amorcé en décembre 2007, la Banque a abaissé son taux de 350 centièmes, dont 200 depuis octobre.

«La stabilisation du système financier mondial est une condition préalable à la reprise économique», juge la Banque qui constate que la crise financière a contaminé l'économie réelle. Cela exigera du temps, prévient-elle.

Elle n'a cependant fourni aucun indice pouvant suggérer qu'elle se lance dans des actions non conventionnelles comme l'a fait la Réserve fédérale américaine, le mois dernier. Sans doute attend-elle les lendemains de la présentation du budget fédéral par le gouvernement minoritaire de Stephen Harper, mardi.

La Banque revoit très à la baisse son scénario économique pour l'année en cours: de la faible croissance de 0,6% qu'elle voyait l'automne dernier, elle table désormais sur une décroissance de 1,2% du produit intérieur brut réel cette année.

En baisse de 6,4% en novembre selon Statistique Canada, les ventes des manufacturiers sont venues confirmer que les usines ne réexploiteront pas toutes leurs capacités de production de sitôt.

Les banques jouent leur rôle

Cette fois-ci, les institutions financières canadiennes n'ont pas hésité à abaisser de 50 centièmes leur taux préférentiel, désormais fixé à 3%. Très peu de clients peuvent profiter cependant de coûts d'emprunt aussi faibles.

Les emprunteurs qui ont contracté un prêt hypothécaire à taux variable depuis la mi-octobre le voient passer de 4,5% à 4,0%. Pour une hypothèque de 150 000$ amortie sur 25 ans, il s'agit d'une économie mensuelle de 41,99$. Si l'amortissement est sur 20 ans, la mensualité est réduite de 40,00$.

«Avant le 14 octobre, on affichait le taux préférentiel pour le taux variable et on était négociable, explique Yvon Boucher, directeur de la succursale BMO Banque de Montréal à Boucherville. Maintenant, c'est le taux préférentiel plus un point de pourcentage et c'est ferme.»

Les banques, tout comme le mouvement coopératif, sont contraintes d'exiger davantage car leurs coûts de financement augmentent. C'est pour les inciter à prêter que la Banque du Canada desserre la vis de son côté.

«Nous observons encore une croissance de nos prêts sur une base annuelle, souligne Robert Bédard, gestionnaire des taux d'intérêt au Mouvement Desjardins. On n'a pas mis assez les pieds dans la récession pour valider s'il y a une baisse.»

Les manufacturiers exportateurs sont quant à eux bien enlisés. «Les exportations canadiennes sont en forte baisse et la demande intérieure se replie sous l'effet de la diminution des revenus réels, de la richesse des ménages et de la confiance des consommateurs et des entreprises», constate la banque centrale.

L'effondrement des prix des produits de base a provoqué en novembre la chute la plus importante des ventes des manufacturiers depuis que Statistique Canada a commencé à compiler ces données en 1992. Les ventes reculent aussi en volume de 3,0%, tandis que la valeur des nouvelles commandes a plongé de 12,8%.

Tout porte à croire qu'elles auront amplifié la décroissance en fin d'année. «Cela représenterait le sixième trimestre consécutif où les ventes décroissent, la plus longue séquence de ce genre enregistrée», fait remarquer Marc Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

Dans un contexte pareil, l'inflation ne peut que ralentir. La Banque du Canada prévoit même que la variation annuelle de l'Indice des prix à la consommation sera négative au printemps et à l'été à cause de l'effondrement du prix du pétrole qui fait suite à la flambée de l'an dernier. Le retour à sa cible d'inflation annuelle de 2% est repoussé en 2011.

Elle ferait suite à un rebond de 3,8% de la croissance économique l'an prochain. Ça paraît beaucoup, compte tenu du bourbier actuel. Cela donne toutefois beaucoup de marge à la Banque pour poursuivre sa détente, si nécessaire. «Nous pensons que tant que les conditions financières demeureront sapées, la Banque continuera de détendre les taux d'intérêt, explique Sandy Batten, économiste chez JP Morgan à New York. Nous nous attendons à une autre baisse de 50 centièmes le 3 mars prochain.»