Avant la Maison-Blanche, Barack Obama a fréquenté le bastion de la droite américaine. Un séjour qui lui a appris à faire confiance à la fois à l'État et aux marchés. Portrait de la pensée économique du nouveau président américain.

Avant la Maison-Blanche, Barack Obama a fréquenté le bastion de la droite américaine. Un séjour qui lui a appris à faire confiance à la fois à l'État et aux marchés. Portrait de la pensée économique du nouveau président américain.

Douglas Baird se rappellera toujours le jeune candidat devant lui. Talentueux, sûr de lui et profondément attachant. «J'ai vite été impressionné», dit-il.

Doyen de la faculté de droit de l'Université de Chicago au milieu des années 90, Douglas Baird a engagé Barack Obama comme professeur de droit constitutionnel. Une décision bénéfique à l'époque pour son employeur – et peut-être aujourd'hui pour l'ensemble de l'économie américaine.

Militant, organisateur communautaire, avocat spécialisé dans les droits civils, Barack Obama n'avait pas d'intérêt particulier pour les questions économiques en arrivant à l'Université de Chicago, célèbre pour son adhésion à la théorie économique du libre marché – d'où l'expression «l'école de Chicago».

À «l'école de Chicago», Barack Obama s'est concentré sur sa passion juridique, le droit constitutionnel. Mais Douglas Baird croit que le futur président est devenu plus sensible aux questions économiques et à la théorie du libre marché au cours de son passage à l'alma mater de Milton Friedman.

«Barack n'est pas devenu un disciple de «l'école de Chicago», mais sa vision du monde a été teintée par les enseignements de «l'école de Chicago», dit Douglas Blair, qui se spécialise en droit commercial.

Quand vous êtes un «big government democrat» comme Barack et que vous passez 12 ans dans un environnement comme l'Université de Chicago, vous réalisez que la solution ne passe pas toujours par la réglementation ou le gouvernement. Quand il enseignait avec nous à Chicago, Barack a réalisé que les marchés fonctionnaient aussi. Il est devenu ce qu'on appelle ici un «démocrate de Chicago».»

Défi colossal

Le défi de Barack Obama est d'autant plus colossal que les finances publiques américaines sont en difficulté à la suite des déficits budgétaires grandissants de l'administration Bush. «Bush a fait des déficits alors qu'il n'aurait pas dû en faire, ce qui réduit considérablement la marge de manoeuvre d'Obama», dit l'économiste québécois Thomas Lemieux, qui enseigne à l'Université de la Colombie-Britannique.

Mais la lutte contre le déficit est loin d'être une priorité pour Barack Obama, le premier président à entrer en fonction au cours d'une récession depuis John F. Kennedy. En 2008 et 2009, le gouvernement américain injectera 2125 milliards afin de relancer son économie – soit l'équivalent d'une fois et demie l'économie canadienne ! Même à ce prix, les résultats sont loin d'être assurés. «Les pertes d'emplois vont continuer au moins jusqu'au milieu de 2009 et Obama ne peut pas faire grand-chose contre ça, dit M. Lemieux. Au mieux, il risque d'atténuer les effets de la crise.»

Certains républicains qui ont appuyé George W. Bush en 2000 font toutefois confiance à Barack Obama afin sortir l'économie américaine de sa torpeur. «Obama a une meilleure approche économique que Bush. Quand il est confronté à un problème, il est intelligent et il écoute tous les points de vue», dit Michael W. Brandl, professeur d'économie à l'Université du Texas à Austin.

Selon ce républicain avoué, qui a voté pour George W. Bush en 2000 et 2004, le défi d'Obama sera de redonner confiance aux Américains – et surtout, de les faire dépenser à nouveau – sans trop dépenser l'argent des contribuables. «S'il augmente trop le déficit, les taux d'intérêt augmenteront et la consommation diminuera par le fait même», dit le professeur Brandl.

«La classe moyenne a été durement touchée durant les années Bush, ajoute Raymond Chrétien, ancien ambassadeur du Canada à Washington. Les réductions d'impôts de Bush ont davantage favorisé les Américains les plus fortunés. La classe moyenne est inquiète et craintive, si bien que les gens ne consomment plus.»

Un homme économe

Ironie du sort, l'état de l'économie, qui est directement liée à la consommation des Américains, est entre les mains d'un homme qui a la réputation d'être peu dépensier pour lui-même. Jeune marié, il n'aimait pas magasiner pour des vêtements, préférant que sa femme Michelle lui achète quelques chemises et quelques cravates à Noël.

Malgré son approche minimaliste de la consommation, le futur président arrivait tout de même à impressionner ses collègues de travail à Chicago par son look. «Il portait toujours des cravates Armani, se rappelle Douglas Baird. Pour quelqu'un qui remboursait encore ses dettes d'études, c'était plutôt étonnant. Mais ces cravates lui faisaient bien...»