Assoiffées de capital, les banques canadiennes sollicitent ces jours-ci les investisseurs particuliers par des émissions d'actions privilégiées aux dividendes plus qu'alléchants.

Assoiffées de capital, les banques canadiennes sollicitent ces jours-ci les investisseurs particuliers par des émissions d'actions privilégiées aux dividendes plus qu'alléchants.

Depuis le début de la semaine, la Banque Scotia a lancé une émission de 250 millions de dollars, la TD de 175 millions et la Royale de 200 millions. Toutes les actions porteront un dividende de 6,25% pendant cinq ans.

La Banque Nationale a quant à elle réalisé une émission de 125 millions dont le dividende s'élève à 6,60%.

Les acteurs du marché s'attendent à des prestations du même ordre de la part de la CIBC et de la Banque de Montréal dans les prochains jours.

Des émissions de 250 millions ou moins paraissent petites à première vue, tellement sont fréquentes celles d'obligations qui franchissent le cap du demi-milliard.

Mais dans le petit marché des actions privilégiées destinées avant tout aux acheteurs qui payent de l'impôt, il s'agit d'une grande offensive. Le traitement fiscal avantageux des dividendes équivaut à leur donner l'équivalent de 136% du rendement d'un titre concurrent.

Les grandes caisses de retraite qui ne payent pas d'impôt boudent en général ce genre de titres. Elles privilégient des obligations de première catégorie qui rapportent plus de 9% dans le contexte présent de resserrement du crédit. La Banque de Montréal en a d'ailleurs émis pour 450 millions, fin décembre.

«Les banques ont des besoins criants de capital, rappelle Michel Doucet, vice-président, groupe conseil en portefeuilles, chez Desjardins Valeurs mobilières. La probabilité, c'est qu'il y ait d'autres émissions.»

Cette quête de capitaux leur coûte cher. Depuis le 10 décembre, le taux préférentiel des banques se situe à 3,50%. Les banques subiront des pressions pour l'abaisser encore lorsque la Banque du Canada réduira selon toutes probabilités de nouveau son taux directeur le 20 janvier.

Plusieurs de leurs clients détiennent des prêts hypothécaires ou des marges de crédit à taux flottant lequel égal le taux préférentiel plus 1%. Bref, les banques peuvent prêter à perte ces jours-ci, ce qui explique pourquoi elles se montrent de plus en plus chiches.

«Elles préfèrent prévenir les coups et augmenter leur ratio de capitalisation pour se donner une marge de manoeuvre, explique Pierre Lapointe, stratège à la Financière Banque Nationale. La qualité des actifs tend à se détériorer en période de récession.»

Il n'y a pas que les coups à prévenir, mais aussi les déjà encaissés, comme les prêts hypothécaires à risque ou les participations dans des fonds de couverture ou des prêteurs américains.

Depuis novembre, le surintendant des institutions financières autorise les banques canadiennes à porter jusqu'à 40% la teneur en actions privilégiées de leur capital de première catégorie (Tier One).

Rumeur

En outre, la rumeur persistante veut que le surintendant, le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances fassent pressions sur les banques pour qu'elles portent de 8% à 10% la proportion de leurs fonds propres. La norme internationale de 8% découle des Accords de Bâle survenus avant la crise présente.

Les actions privilégiées ont l'avantage de ne pas diluer le bénéfice par action ordinaire de son émetteur, ce qui plaît à ses gros porteurs.

Le petit investisseur y trouve son compte ces jours-ci car le rendement réel est élevé. En outre, les perspectives sont excellentes puisque les risques de forte inflation sont faibles.

Les émissions présentes comportent un autre avantage de taille. Si le dividende est fixe et garanti durant cinq ans, le risque qu'il soit plus élevé après cette période est très grand.

Même si les émissions de Scotia, TD et Royale portent toutes un dividende de 6,25%, l'écart entre ce taux et le rendement des obligations du Canada de cinq ans est différent, compte tenu de la date d'émission. Pour la Scotia, il s'élève à 414 centièmes, pour la Royale, à 419, la TD à 437 et, enfin, la Nationale, pas moins de 463 centièmes.

Au bout de cinq ans, le dividende évoluera selon le taux des obligations canadiennes de cinq ans plus l'écart consenti à la date d'émission. Or, les taux présents sont historiquement parmi les plus faibles.

Si le dividende devenait trop élevé cependant, la banque émettrice aura toujours le loisir de racheter ses actions, selon des modalités prévues dans les conditions d'émission.