«L'action montait, on était de bonne humeur, on travaillait beaucoup. Je pense que, dans le cas de plusieurs personnes, on travaillait trop pour regarder ce qui arrivait vraiment.»

«L'action montait, on était de bonne humeur, on travaillait beaucoup. Je pense que, dans le cas de plusieurs personnes, on travaillait trop pour regarder ce qui arrivait vraiment.»

Dans une autre vie, Cinzia Cuneo était directrice des approvisionnements et de la planification chez Nortel [[|ticker sym='T.NT'|]]. Entrée en 1995, elle a quitté l'entreprise en 2004. Dix ans où elle a vu l'ambiance de travail passer de l'euphorie à la morosité.

Aujourd'hui, c'est avec un pincement au coeur qu'elle voit la boîte qu'elle considérait comme un fleuron se placer sous la protection de la lois sur la faillite.

«Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est dommage, c'est un vrai gâchis», commente-t-elle.

Un gâchis qu'elle a vu s'installer pendant la deuxième moitié de sa carrière chez Nortel.

«Dégringolade, coupes sur coupes... Je pense qu'une bonne partie des erreurs, c'est qu'on coupait en bas, mais on ne coupait pas en haut. Les hauts salaires continuaient d'être payés. C'est comme un bateau où il reste plein d'officiers, mais plus de marins...»

Mais ne comptez pas sur Cinzia Cuneo pour vider son sac et blâmer d'anciens collègues.

«Je me rappelle qu'en 1997 ou 1998, on avait des clients qui n'avaient pas d'argent pour nous payer. Mais ils étaient en expansion, et c'était peut-être le bon choix de fournir à quelqu'un qui allait devenir gros et de grandir avec lui. C'est facile, a posteriori, de dire oui, mais, et blablabla. Mais à l'époque, c'était logique de faire ça.»

Un de ces clients était WorldCom -cette entreprise entraînée dans un tourbillon de scandales qui a conduit à la plus importante faillite des États-Unis.

«WorldCom a eu des problèmes après, dit Mme Cuneo. Mais ça a été un bon client pendant plusieurs années.»

Reste qu'elle a observé des choses qui ne lui ont pas plu au sein de la haute direction de l'époque. «Il y avait certainement un système de rémunération de la direction qui incitait les gens à faire des choix à court terme et, peut-être, dans leur propre intérêt plutôt que dans celui de l'entreprise.»

Diane Chênevert se souvient aussi du temps où Nortel était synonyme de fierté. C'est dans les années 90; elle était directrice des communications corporatives de l'entreprise.

«C'était cette vision d'avenir, cette créativité, ce désir de bien faire son travail et de le faire avec plaisir. L'ambiance de travail était extraordinaire. L'ingénierie, le savoir-faire, tout le côté «savant» des Canadiens se retrouvait dans cette entreprise.»

«C'était vraiment des années fabuleuses, dit aussi Pierre Boisseau, qui s'occupait de son côté des communications de Recherche Bell-Northern pendant la même période. On sentait qu'on était en pleine révolution technologique et que Montréal en était un pôle majeur.» Des signes avant-coureurs de la chute qui s'en venait? Celui qui a quitté son poste en 1999 pour aller chez Pratt&Whitney Canada et qui a longtemps eu le «Nortel tatoué sur le coeur» dit n'en avoir vu aucun.

Aujourd'hui, Diane Chênevert dit suivre les déboires de Nortel de loin. «J'aime autant garder le souvenir de mes belles années», dit-elle.

Son souhait: «J'espère que la créativité qu'il y avait dans l'entreprise va faire en sorte que les gens vont se retrousser les manches et aller de l'avant.»