Les producteurs de porcs du Québec recevront un demi-milliard de dollars en compensations de toutes sortes pour l'année 2008, marquée par des prix anémiques et une hausse des coûts de production.

Les producteurs de porcs du Québec recevront un demi-milliard de dollars en compensations de toutes sortes pour l'année 2008, marquée par des prix anémiques et une hausse des coûts de production.

Ce record devrait passer à l'histoire puisque le principal programme d'aide du gouvernement du Québec, l'assurance stabilisation du revenu agricole (ASRA), doit être révisé dans les prochains mois. Le prix du porc promet également de s'apprécier en cours d'année, comme le laissent présager les contrats conclus récemment sur les marchés à terme.

En 2007, l'industrie porcine avait déjà repoussé le plafond de l'aide gouvernementale avec des dédommagements totalisant 375 millions $, du jamais vu tous secteurs de production confondus.

Loin de se résorber, la crise s'est aggravée, portant à près de 550 millions $ les compensations versées aux producteurs de porcs au cours des 12 derniers mois. La facture d'alimentation des bêtes a explosé en même temps que les cours du maïs, qui se sont un peu repliés à l'automne.

Le prix de la viande, lui, s'est maintenu dans les bas-fonds, à environ 116 $ la carcasse, en raison d'une surproduction mondiale. Et le dollar canadien a passé une bonne partie de l'année à parité avec l'américain, ce qui désavantageait les exportateurs québécois.

Moyennant une cotisation correspondant au tiers de l'aide disponible, l'ASRA verse aux producteurs agricoles la différence entre ce qu'il en coûte pour produire une denrée et le prix du marché.

Dans le cas des cochons dirigés vers l'abattoir, le versement était de 46,11 $ par tête en 2008. Or, le Québec a produit le nombre record de 7 700 000 porcs en 2008, conséquence d'une diminution des maladies, de l'amélioration de la génétique et... de la générosité des programmes d'aide au revenu agricole. Les 356 646 truies reproductrices ont aussi récolté une aide de 544,69 $ chacune.

Ce demi-milliard de dollars ne peut être considéré comme une subvention pure et simple puisque les producteurs ont eux-mêmes contribué pour 105 millions $ au programme d'assurances cette année. Le fédéral et le provincial se partagent le reste de la facture. À Québec, l'argent est puisé dans un fonds fiduciaire, indépendant des budgets réguliers. Durant les bonnes années, le déficit est renfloué. Mais comme il atteint aujourd'hui 600 millions $, plusieurs observateurs craignent qu'il ne soit hors de contrôle, même au sein du gouvernement du Québec.

Daniel-Mercier Gouin, professeur à l'Université Laval, concède que le montant de l'aide accordée l'an dernier «commence à être inquiétant». «Le problème, ce n'est pas qu'il y ait une mauvaise année à un moment donné, c'est que le déficit se creuse d'année en année», insiste-t-il.

Cycle déréglé

Or, c'est précisément ce qui arrive depuis que le cycle de quatre ans de la production porcine - à une très bonne année succèdent généralement deux moyennes et une mauvaise - est rompu. Cela fait maintenant trois ans que les réclamations se comptent par centaines de millions. «Les réserves du gouvernement pour l'ensemble de ses missions sont de 200 millions $. Il n'a pas l'argent pour éponger» un déficit trois fois supérieur à cela et en constante progression, insiste M. Gouin.

Si la Financière agricole du Québec s'attend à une reprise du secteur porcin dans les prochains mois, Michel Morin, agronome et analyste au Centre de développement du porc du Québec (CDPQ), craint que 2009 ne soit pas l'année rebond dont auraient besoin les producteurs de porcs pour ranger leur stylo rouge.

Certes, il y a des signes encourageants. La Fédération des producteurs de porcs a négocié une nouvelle convention de mise en marché, qui prévoit un contrôle de la production et une augmentation du poids des carcasses en échange du prix américain. Cela voudrait dire environ 7 à 9 $ de plus par porc pour les producteurs. Certains transformateurs se font toutefois tirer l'oreille pour signer l'entente.

La baisse du dollar canadien laisse aussi présager une reprise des marchés d'exportation, qui s'étaient repliés vers les producteurs porcins des États-Unis, dont les coûts de production sont parmi les plus bas au monde.

Mais M. Morin relève encore une inconnue et elle est de taille : le prix du maïs qui menace de rebondir. Si l'alimentation des bêtes coûte plus cher, cela pourrait gruger tous les profits espérés.

Les analystes américains s'inquiètent aussi de voir que le cheptel a diminué d'à peine 2 % aux États-Unis, les faillites des petits joueurs ayant été éclipsées par l'augmentation de la capacité des gros et l'amélioration de la génétique. Le Canada a plutôt enregistré une baisse de 17 % du nombre de producteurs de porcs, selon les derniers chiffres de Statistique Canada. Le Québec a toutefois été épargné puisque les producteurs comptent sur l'ASRA pour passer au travers de la crise.

Faits saillants

550 millions $ de compensations en 2008

544,69 $ par truie reproductrice

46,11 $ par cochon abattu

7 700 000 porcs produits

600 millions $ de déficit à l'ASRA

3900 producteurs porcins au Québec

Dédommagements versés aux producteurs de porcs

2003 - 201 271 606 $

2004 - 4 035 772 $

2005 - 46 250 343 $

2006 - 252 229 098 $

2007 - 375 074 113 $

2008 - 549 308 510 $

Source : Financière agricole du Québec