Les soins de santé et le secteur privé ne font habituellement pas bon ménage au Québec.

Les soins de santé et le secteur privé ne font habituellement pas bon ménage au Québec.

Pourtant, ce n'est pas d'hier que des gens du privé sont appelés en renfort par le système de santé public de la Belle Province. Et cette réalité ira en augmentant, croit Normand Laurin, président et cofondateur de Servir +.

La semaine dernière, au moment où La Presse Affaires rencontrait M. Laurin, la première chirurgie pratiquée en milieu privé aux frais de l'État faisait la une de tous les quotidiens du Québec.

Bref, pendant que les politiciens, les syndicats et la population québécoise débattent de la chose, le privé fait sa place en santé. Servir + en est la preuve.

Cette PME de Longueuil se présente comme le plus important fournisseur privé de services médicaux et psychosociaux au Québec.

L'entreprise emploie 450 personnes, soit 350 infirmières et infirmiers, de même qu'une centaine de travailleurs de la santé qui vont du psychologue à l'orthophoniste, en passant par l'éducateur spécialisé et le travailleur social.

Servir + dit connaître, ces dernières années, une croissance qui avoisine les 40%. Son chiffre d'affaires, que M. Laurin préfère taire, dépasse largement les 10 millions de dollars.

La PME tire ses revenus de l'État dans une proportion de 70%. Le 30% restant provient des entreprises pharmaceutiques, des compagnies d'assurance et des particuliers.

Mais au-delà de la croissance et des revenus, Normand Laurin affirme être avant tout motivé par le bien-être des gens.

Ce cursilliste (adepte du mouvement catholique des Cursillos) explique le plus sérieusement du monde vouloir perpétuer l'oeuvre de Marguerite d'Youville, fondatrice de la congrégation des Soeurs de la Charité de Montréal (Soeurs Grises). Un portrait de Mme d'Youville trône d'ailleurs sur les murs du bureau de M. Laurin.

«Quand nous avons fondé Servir + en 1995, nous sommes allés voir les Soeurs de la Charité pour qu'elles nous expliquent en quoi consistent les soins à domicile. Depuis, notre mission est la même que la leur, c'est-à-dire donner des soins avec amour, empathie et compassion. Nous avions demandé aux soeurs de devenir actionnaires; elles nous ont dit qu'elles allaient plutôt prier pour nous», explique M.Laurin, gestionnaire de formation qui a notamment travaillé dans le secteur maritime.

Une présence qui dérange

Mais les prières suffiront-elles pour la suite des choses? Le secteur privé compte son lot de détracteurs.

«Le privé ne représente que 2% du budget de la santé au Québec. Nous sommes un soutien du secteur public. Nous aidons quand il manque de personnel, quand les listes de rappel sont épuisées. Malgré tout, ça dérange les syndicats», explique Normand Laurin.

Servir + compte deux champs de spécialité: le secteur santé et le secteur psychosocial.

Dans le secteur santé, la PME est présente dans 80 Centres locaux de services communautaires (CLSC), 20 Centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD) et une dizaine de centres hospitaliers partout au Québec.

La demande va en grandissant dans les centres hospitaliers, affirme Normand Laurin.

Le personnel infirmier de l'entreprise collabore également avec des compagnies pharmaceutiques, dont Schering Plough et Novartis. Enfin, Servir + répond aux demandes des compagnies d'assurance et d'un nombre grandissant de baby-boomers prêts à payer pour recevoir des soins à domicile.

Dans le secteur psychosocial, d'où elle tire moins du tiers de ses revenus, la PME oeuvre principalement auprès d'enfants. Son personnel offre du répit aux parents d'enfants handicapés, mais est également présent dans les CPE, les CLSC, etc.

Récemment, l'entreprise a retenu malgré elle l'attention des médias. Servir + a été choisie pour vacciner contre la grippe le personnel du ministère de la Santé.

Le ministre de la Santé, Philippe Couillard, a lui aussi reçu sa dose. Lorsque des journalistes lui ont demandé s'il ne trouvait pas ironique que les employés du Ministère soient vaccinés au privé, ce dernier aurait répondu préférer voir les infirmières du public soigner les patients plutôt que de quitter leur poste pour venir vacciner les gens du Ministère.

En pleine croissance, la PME de Longueuil fait face à un problème de recrutement. Et ce, même si les agences privées, comme on les appelle dans le jargon, ont le vent dans les voiles.

«Nous offrons à nos employés la liberté de choisir leur horaire. Si une infirmière ne veut travailler qu'une journée par semaine, elle en a le droit», dit Normand Laurin.

Bref, l'entreprise est en mode séduction. Le privé courtise trois types de travailleurs: les futurs diplômés de la santé; ceux et celles qui travaillent déjà dans le public et qui en ont marre, et les retraités qui cherchent à travailler quelques heures par semaine.

Au-delà des horaires souples, le secret de Servir + pour attirer du personnelest un taux horaire plus élevé que dans le public.

«Mais nous n'offrons pas d'avantages sociaux. Le taux horaire plus élevé compense ce manque à gagner», affirme le président de Servir +.

Pour la petite histoire, M. Laurin s'est retrouvé sans travail au milieu des années 90. Il avait 51 ans. Il siégeait alors au conseil d'administration de la Croix-Bleue.

À l'époque, le président de cette compagnie d'assurance santé était un diabétique qui recevait des soins à domicile.

«Il m'avait dit que, selon une étude, le virage ambulatoire offrait un bel avenir. Je crois que c'est bien le cas», dit le président de Servir +.