André Goyet cherchait une façon de revaloriser les milliers de kilos de patates grelots que lui et d'autres producteurs de pommes de terre de Lanaudière devaient laisser dans leurs champs, faute de demande.

André Goyet cherchait une façon de revaloriser les milliers de kilos de patates grelots que lui et d'autres producteurs de pommes de terre de Lanaudière devaient laisser dans leurs champs, faute de demande.

Quinze ans et 12 M$ plus tard, M. Goyet est à la tête de Ghoyetti, un transformateur de pommes de terre aux visées mondiales.

La mise sur pied d'une telle entreprise ne pouvait mieux tomber. L'industrie de la pomme de terre est «à la croisée des chemins», selon un agronome du ministère de l'Agriculture du Québec (MAPAQ).

Tout formats confondus (grelot ou pas), ce tubercule a de moins en moins la cote. Sa consommation a chuté de 14% entre 2000 et 2004.

Longtemps associé aux frites, ce légume est aujourd'hui montré du doigt, entre autres, par les pourfendeurs de la malbouffe. Même Michel Montignac a écrit il y a quelques années que la pomme de terre était à proscrire.

«On trouve peu de produits transformés ou à valeur ajoutée avec la pomme de terre au Québec. C'est pourtant ce que les gens recherchent de plus en plus. L'industrie n'a pas suivi. Comme ce légume a mauvaise presse ces temps-ci, l'industrie devra s'adapter», explique Alfredo Cadario, agronome au MAPAQ.

Conscients que le vent doit maintenant tourner, les quelque 640 producteurs québécois de pommes de terre, dont les revenus avoisinent les 100 millions, ont mis sur pied une campagne d'information en créant notamment le site www.pommedeterrequebec.com.

Avoir du flair

André Goyet a donc eu du flair. De son usine ultra moderne émane un produit prêt-à-manger peu répandu dans les Amériques: des pommes de terre précuites, pasteurisées, emballées sous vide et dont la durée de vie est de 90 jours.

Complètes, en cubes ou en lamelles, les patates Ghoyetti coûtent 3,79$ les 500 g. On en retrouve également en format de 2,5 kg pour les restaurants, les institutions, etc. La PME offre aussi des carottes précuites.

La technologie à la base du produit est originaire de Hollande. Une usine semblable à celle de Ghoyetti existe en France. Sauf que sur le Vieux Continent, des agents de conservation sont ajoutés aux pommes de terre. Mais pas chez Ghoyetti.

«Notre produit est donc unique au monde. J'ai rencontré le patron de l'usine française et il m'a dit: l'élève a dépassé le maître», explique André Goyet, président et actionnaire principal de l'entreprise.

Les installations de Ghoyetti, en bordure de l'autoroute 40, sont opérationnelles depuis un peu plus d'un an. Elles fonctionnent à 30% de leur capacité. À plein régime, on peut y transformer 30 tonnes de pommes de terre par jour.

La concurrence

La PME, propriété d'une quinzaine de producteurs de patates et de carottes, fait surtout concurrence à la pomme de terre congelée.

Une autre entreprise québécoise offre un produit similaire à celui de Ghoyetti. «Mais nous, c'est un produit haut de gamme», s'empresse de dire André Goyet.

Pour le moment, la PME de 12 employés compte quelque 200 points de vente exclusivement au Québec. Son chiffre d'affaires ne dépasse pas encore le million de dollars.

L'entreprise vise néanmoins des ventes de six millions d'ici deux ans. Cet objectif aurait pu déjà être atteint. La chaîne de restauration Harvey's était littéralement tombée en amour avec les pommes de terre Ghoyetti.

«C'était un contrat de 12 millions. Mais on a dû le refuser car on n'était pas prêts, pas encore assez gros», déplore André Goyet.

Maintenant que l'usine est rodée et que le produit suscite l'enthousiasme, Ghoyetti s'apprête à exploser, croit Klaus-Peter Hennrich, directeur général de l'entreprise. M. Hennrich est un champion du secteur industriel.

Un partenaire

André Goyet n'aurait pu trouver meilleur partenaire pour mettre sur pied Ghoyetti. M. Hennrich a supervisé le démarrage de plusieurs usines aux quatre coins du monde (Afrique du Nord, Suisse, Chine, Corée du Sud, etc.). Humble comme pas un, l'Allemand d'origine n'aime pas parler de ses exploits.

Des ententes ont récemment été signées avec d'importants fournisseurs nord-américains, dit-il. L'exportation vers l'Asie ne saurait tarder. «Ça prend environ 18 mois pour introduire un produit.»

«D'ici six mois, nous serons distribués partout au Canada», explique M. Hennrich qui a fait la connaissance d'André Goyet alors qu'il séjournait au Québec dans le cadre d'un voyage de chasse.