Le nombre d'options d'achat d'actions que reçoivent les PDG est déterminé sans justification réelle, comme un coup de dés. Ni la taille de l'entreprise ni la performance n'expliquent essentiellement qu'un patron en obtienne 100 000 ou un million par année.

Le nombre d'options d'achat d'actions que reçoivent les PDG est déterminé sans justification réelle, comme un coup de dés. Ni la taille de l'entreprise ni la performance n'expliquent essentiellement qu'un patron en obtienne 100 000 ou un million par année.

Telle est l'étonnante conclusion d'une étude des universitaires Michel Magnan, Sujit Sur et James Cordeiro. Les trois chercheurs ont décortiqué les salaires des PDG de 1408 firmes américaines sur 10 ans, soit entre 1997 et 2006.

«C'est un mystère. Nous avons fait une foule d'analyses, mais il ne semble pas y avoir de rationalité dans le nombre d'options octroyées», a expliqué Michel Magnan, professeur de comptabilité à la John Molson School of Business de l'Université Concordia, à Montréal.

L'étude sera présentée la semaine prochaine au congrès de l'Association des sciences administratives du Canada, à Halifax. La base de référence est américaine, mais globalement, les conclusions devraient être les mêmes pour les entreprises canadiennes, croit M. Magnan.

Essentiellement, les chercheurs ont utilisé un modèle mathématique sophistiqué qui permet d'expliquer les différences de rémunérations entre les dirigeants, tant pour le salaire et la prime annuelle que pour la rémunération à base d'actions (options d'achat d'actions, unités d'actions différés au rendement, etc.)

Trois grands facteurs en sont ressortis. Le premier est lié aux caractéristiques propres de la firme (type d'actionnariat, gouvernance, taille de l'entreprise, etc.). Le deuxième a trait au secteur industriel dans lequel oeuvre l'entreprise (forestier, techno, etc.). Enfin, le troisième est lié au passage du temps (croissance du bénéfice, chocs économiques, etc.).

Ainsi, pour le salaire de base, les résultats sont clairs: 80% du niveau de salaire s'explique par des facteurs propres à la firme ou au secteur d'activité. Par exemple, une entreprise dont l'actionnaire majoritaire est une famille de longue date est un facteur qui influence le salaire de base, comme le fait qu'une firme ait un conseil d'administration indépendant.

Le secteur d'activité joue aussi pour beaucoup: les comités de rémunération des entreprises, c'est connu, établissent le salaire de leur PDG en se référant notamment aux patrons du même secteur industriel.

Pour ce qui est du niveau de la prime annuelle, 55% s'explique par les caractéristiques de la firme ou par le secteur d'activités. Le reste (45%) se justifie par des éléments liés au temps (performance comptable, évolution du titre boursier, variation de la taille de la firme, etc.).

Par contre, les justifications sont beaucoup moins claires pour le nombre d'options d'achat d'actions octroyé. D'abord, les chercheurs ont constaté que le niveau d'options octroyé s'explique très peu par le type d'entreprise ou par le secteur d'activité. Essentiellement, c'est le passage du temps qui explique 86% du niveau d'options.

L'effet de mode des options

Intrigués, ils ont poussé plus loin leur analyse pour constater que l'amélioration du rendement de l'entreprise ou de sa taille ne justifie que 4% des 86% de facteurs liés au temps. Autrement dit, plus les années passent, plus le nombre d'options ou d'unités d'actions augmente sans que des raisons précises motivent cette croissance.

Michel Magnan avance certaines hypothèses pour combler ce vide. La mode des options au cours des dernières années ou les exigences réglementaires de divulgation de la rémunération ont peut-être influencé le nombre d'octrois. Le pouvoir accru des PDG depuis 10 ans a possiblement popularisé les options, croit-il.

Quoi qu'il en soit, les déterminants de ce mode de rémunération sont flous. Les options sont-elles réellement efficaces? Difficile à dire. «L'octroi de 200 000 options est-il deux fois plus efficace pour l'entreprise que l'octroi de 100 000 options? Pas sûr», dit M. Magnan.

Les options sont très coûteuses pour les entreprises. Le professeur de comptabilité spécialisé en rémunération invite donc les conseils d'administration des entreprises à se pencher sur cette question et à mieux encadrer le nombre d'options ou d'unités d'actions octroyées.