Après des années difficiles, la flambée des prix des céréales laisse présager un retour des profits pour les agriculteurs québécois. Ne reste qu'à choisir quoi semer et prier pour que la météo collabore.

Après des années difficiles, la flambée des prix des céréales laisse présager un retour des profits pour les agriculteurs québécois. Ne reste qu'à choisir quoi semer et prier pour que la météo collabore.

Dommage que les chenilles et les pucerons ne paient pas leurs lunchs. Parce que l'an dernier, ceux qui se sont jetés dans les champs d'Evens Pelletier ont grignoté du blé et du canola qui s'échangent aujourd'hui à prix d'or sur les marchés.

Résultat: «On va probablement être en déficit» à cause des insectes, dit l'agriculteur du Lac-Saint-Jean. Abattu? Non. «On est quand même assez optimiste pour la récolte qui s'en vient. Les prix ont encore beaucoup monté depuis l'an passé. Et on n'aura quand même pas des catastrophes chaque année.»

À l'heure où autant le blé et le maïs que le soja et le canola se négocient à des sommets, les cultivateurs québécois recommencent à rêver de profits après plusieurs années difficiles.

Le meilleur baromètre de cet optimisme est probablement la Financière agricole. Cet organisme gouvernemental verse des compensations aux agriculteurs lorsque les conditions de marché sont défavorables.

Or, la Financière prévoit cesser d'éponger les déficits des producteurs de grandes cultures dès l'an prochain, une première depuis 1980. Et commencer à renflouer la caisse, qui présente un trou de 312 millions.

«À moins d'avoir une très mauvaise récolte 2008, on devrait normalement atteindre l'équilibre», dit Alain Pouliot, vice-président aux assurances et protection du revenu agricole de l'organisme.

La récolte de l'automne dernier donne déjà le ton. Elle continue de s'écouler sur les marchés, si bien qu'il est encore trop tôt pour savoir combien elle aura rapporté. Mais la Financière y va déjà d'une prédiction: la production 2007 de soja ne finira pas dans le rouge.

«Toutes les céréales sont en diminution importante de compensation, dit en fait M. Pouliot. Le blé panifiable, je ne pense pas qu'il y ait grand-chose comme compensation. Et avec les prix du maïs qui sont encore en hausse, on pourrait facilement arriver à zéro compensation là aussi.»

«Au moment où l'on se parle, ce qui est bien pour les producteurs, c'est que tout ce qu'ils vont semer va être payant quand on regarde 2008», dit Ramzy Yelda, directeur de la commercialisation et de l'information sur les marchés à la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.

«Les niveaux de prix de tous les marchés se sont fortement redressés et semblent vouloir se maintenir dans des fourchettes élevées pour au moins l'année prochaine», ajoute-t-il.

L'heure des choix

Pour les producteurs qui magasinent actuellement leurs semences, ça ne veut pas dire que les choix soient faciles à faire pour autant.

«On peut quand même se tromper, dit M. Yelda. Parce que si tout est payant, il y a des choses qui sont plus payantes que d'autres. Et ça va dépendre beaucoup d'où est située la ferme.»

Si le canola pousse bien au Lac-Saint-Jean, par exemple, il offrira un mauvais rendement dans la plaine du Saint-Laurent. Pour le maïs, c'est le contraire.

Et c'est sans compter les rotations. Semer du soja plusieurs années de suite dans le même champ augmente les risques de voir apparaître les maladies. Bref, il faut y penser à deux fois avant de se fier uniquement aux courbes de la Bourse de Chicago pour décider quoi planter.

«Ce n'est pas parce que les prix sont élevés qu'on va prendre des risques de production, dit Sylvain Pion, agriculteur à Bedford. C'est sûr que certaines années, tu te dis que tu aurais dû semer davantage de telle récolte. Mais si tu commences à faire des changements tout le temps, tu n'es plus capable de tenir ta régie de champs.»

M. Pion avoue toutefois avoir un peu modifié sa stratégie cette année. Avec le prix du blé qui monte en flèche, il a décidé de planter davantage de haricot sec. L'an prochain, ces champs seront parfaits pour y recevoir du blé.

«Je n'ai pas fait beaucoup de haricot l'an dernier, alors mes champs aptes à faire du blé sont un peu restreints cette année», explique-t-il.

Quelques tendances semblent tout de même se dessiner cette année au Québec. David Proulx, propriétaire de RDR Grains et semences, commence déjà à manquer de semences de soja cette année, alors qu'il en avait jusqu'en mai l'an dernier.

«Le prix du soja peut se vendre à plus de 500 dollars la tonne pour la prochaine récolte. Comme il n'y a pas beaucoup d'intrants à mettre, c'est là-dessus que les clients semblent s'aligner», dit-il.

Dans les régions plus au nord, c'est le canola qui semble avoir la cote. «Le prix de l'huile végétale s'est enflammé sur le marché mondial et le canola contient 40% d'huile», rappelle Patrick Ménard, agent d'information et de commercialisation à la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.