La Société Générale, une des trois premières banques françaises, a révélé jeudi avoir perdu 7 milliards d'euros, dont près de 5 milliards d'euros (environ 7 milliards de dollars) de pertes provoquées par un de ses traders dans une des plus colossales fraudes de l'histoire de la finance mondiale.

La Société Générale, une des trois premières banques françaises, a révélé jeudi avoir perdu 7 milliards d'euros, dont près de 5 milliards d'euros (environ 7 milliards de dollars) de pertes provoquées par un de ses traders dans une des plus colossales fraudes de l'histoire de la finance mondiale.

En pleine tourmente boursière mondiale, la banque a été contrainte d'annoncer cette fraude interne de 4,9 milliards, auxquels s'ajoutent 2 milliards d'euros de dépréciations liées à la crise des «subprimes».

La cotation à Paris de la Société Générale, déjà critiquée par les analystes financiers pour son silence ces derniers jours alors que le titre chutait en Bourse en pleine crise des «subprimes» (prêts immobiliers à risques américains), a été suspendue.

L'avocat d'une centaine d'actionnaires de la banque a annoncé avoir déposé une plainte devant la justice à Paris pour «escroquerie, abus de confiance, faux, usage de faux et complicité, et recel».

L'employé à l'origine de la fraude, opérant à Paris et dont l'identité n'a pas été révélée, a été relevé de ses fonctions.

Dans la tourmente, la direction a convoqué une conférence de presse exceptionnelle jeudi en fin de matinée à son siège à la Défense, près de Paris.

Le président de la banque, Daniel Bouton, a mis en ligne sur le site internet de la société une lettre dans laquelle il évoque une «fraude interne d'une ampleur considérable commise par un collaborateur».

«Ce dernier a été immédiatement mis à pied. Une plainte sera déposée à son encontre», ajoute-t-il.

Selon les explications de la banque, la fraude a été découverte le 19 janvier: un trader, opérant dans une sous-division de ses activités de marché, a profité de «sa connaissance approfondie des procédures de contrôle», pour «dissimuler ses positions grâce à un montage élaboré de transactions fictives».

La Société générale a liquidé depuis ces positions mais compte tenu de leur taille et «des conditions de marché particulièrement défavorables», alors que les bourses du monde entier sont malmenées, cette fraude a un impact négatif de 4,9 milliards d'euros sur son résultat net.

«Il a joué, mais pas à son profit», a déclaré jeudi une source syndicale, à l'issue d'une réunion d'urgence avec la direction.

Selon un communiqué, le conseil d'administration de la Banque, réuni le 23 janvier, a rejeté la proposition de M. Bouton de démissionner de ses fonctions, mais l'a soutenu dans sa décision de renvoyer les cadres, «y compris dirigeants», responsables de la supervision et des contrôles des opérations concernées.

La Banque de France a annoncé dans la foulée qu'une enquête allait être diligentée par l'organe de contrôle des banques, pour examiner les conditions dans lesquelles cette fraude est intervenue.

Nick Leeson commente

L'ancien trader britannique Nick Leeson, à l'origine de la ruine de la banque Barings en 1995, a brièvement commenté la découverte d'une fraude massive à la Société générale jeudi, indiquant qu'il n'était pas surpris.

«Cela devait arriver», a estimé auprès de l'AFP M. Leeson, qui dirige désormais le club de football de Galway United dans l'ouest de l'Irlande.

Il s'est aussi amusé du hasard qui fait qu'il «s'envole vendredi pour Paris avec sa femme pour des vacances».

M. Leeson n'a pas souhaité commenter davantage, arguant de «nombreuses demandes» de la presse, que son agent à Londres se chargeait au même moment de négocier au meilleur prix.

M. Leeson avait provoqué en 1995 une perte de 850 millions de livres (envrion 1,2 milliard d'euros) pour la Barings alors qu'il travaillait pour elle à Singapour.

Il avait spéculé avec l'argent de la clientèle et perdu, ruinant ainsi la vénérable banque d'investissement qui a ensuite été vendue pour une livre symbolique au groupe néerlandais de banque et d'assurance ING.

Après s'être enfui, M. Leeson a été rattrapé et condamné à six ans et demi de prison et 70 000 livres d'amende pour escroquerie et faux en écriture.

Atteint en prison d'un cancer du côlon, depuis guéri, il a été libéré en 1999.

Il a tiré un livre de son histoire, «Rogue Trader» («le courtier ripou») qui a été adapté au cinéma sous le titre de «Trader» avec Ewan McGregor dans le rôle principal.