C'est un phénomène. Depuis cinq ans, la hausse du dollar a multiplié par cinq le nombre d'autos achetées par des Canadiens aux États-Unis. Si l'achat au sud de la frontière peut être intéressant, il faut toutefois se préparer adéquatement et ne pas avoir peur de la paperasse.

C'est un phénomène. Depuis cinq ans, la hausse du dollar a multiplié par cinq le nombre d'autos achetées par des Canadiens aux États-Unis. Si l'achat au sud de la frontière peut être intéressant, il faut toutefois se préparer adéquatement et ne pas avoir peur de la paperasse.

Voici l'expérience de notre journaliste Francis Vailles, qui a traversé la frontière pour se doter d'une Toyota Camry 2008, à la fin mars.

21 mars, Albany, New York. Il est 15h30 et je viens de quitter le concessionnaire qui m'a vendu une belle Toyota Camry 2008. Après des semaines de préparation, la transaction est enfin conclue.

Le soleil est radieux et la neige a déjà disparu à Albany en ce Vendredi saint. Deux heures trente me séparent de la frontière canadienne, que je rejoins par l'Interstate 87, à travers les magnifiques montagnes des Adirondacks.

J'ai amplement de temps pour tester mon nouveau joujou, pour m'amuser avec le «cruise control», les vitres électriques, le siège assisté, etc. Ah, la vie est belle!

Cette première étape avec le concessionnaire s'est bien passée. Il faut dire que je m'étais préparé minutieusement. Tout de même, on parle d'une transaction de quelque 20 000$, pas question de prendre de risques inutiles.

En chemin, le gros café est essentiel, question de compenser la nuit de sommeil écourtée. C'est que j'ai dû me lever vers 4h50 le matin pour me rendre en métro à la station Berri-UQAM et prendre l'autobus Greyhound de 7h45 en direction de New York. Et en cette longue fin de semaine de Pâques, 150 personnes faisaient déjà la queue pour l'autobus à 6h35, un calvaire.

Un gros café, donc. Dans ma belle Camry, je circule grâce à une immatriculation temporaire de l'État de New York que m'a fournie le concessionnaire, moyennant 10$. Fait essentiel, cet État accepte de renoncer à la taxe de vente sur le véhicule puisqu'il est en transit.

Ce n'est pas le cas du Massachusetts, par exemple. Non seulement cet État n'offre-il pas d'immatriculation temporaire, mais encore faut-il payer une taxe de vente de 5%, à laquelle s'ajouteraient les taxes du Québec et d'Ottawa.

Cet «in transit permit» de New York est valide pour 45 jours et Transports Canada m'avait assuré que les véhicules munis de ce permis peuvent circuler au Canada.

18h, la frontière approche. Prochaine étape: les douanes américaines ou plutôt le «US Customs and Border Protection». Je m'attends à devoir répondre à une série de questions embarrassantes, mon âge, mon salaire, le nom de fille de la grand-mère maternelle de ma femme, pourquoi j'existe, etc. Oh surprise, tout est réglé en moins de deux minutes!

Papiers à remettre: le titre de propriété original de la voiture (title) plus deux photocopies, de même qu'une copie du contrat de vente. «Depuis le début de mars, on a traité environ 1000 dossiers de voitures exportées», me dit l'agent américain du poste de Champlain/Lacolle.

En échange de mes papiers, le douanier me remet un genre de reçu avec la date où je pourrai récupérer ma voiture. Récupérer? C'est que les douanes américaines exigent que le véhicule demeure 72 heures ouvrables aux États-Unis avant d'être exporté, le temps de faire les vérifications qui s'imposent.

Petit stress: l'agent m'interdit de garer ma Camry à la douane. Où donc la laisser pendant trois jours sans me faire voler? On me suggère la station d'essence Peterbilt, tout près, dont le stationnement est clôturé et ouvert jour et nuit.

Sur place, le personnel sympathique et détendu m'accueille et me demande 7$US par jour pour le service. Je gare donc ma voiture dans l'enclos, près d'une Audi, d'une BMW et d'une Porsche, des voitures immatriculées en Floride et destinées, elles aussi, à une carrière au Canada.

J'aurais pu franchir les douanes avec la voiture durant la même journée si j'avais payé le concessionnaire quelques jours plus tôt. Le vendeur aurait alors transmis les papiers aux douaniers américains, ce qui m'aurait évité d'attendre 72 heures.

Mais j'ai préféré ne pas transférer d'argent avant d'avoir touché à la voiture et rencontré le vendeur. Comme mode de paiement, j'ai opté pour une traite bancaire en dollars US.

Au garage Peterbilt, je téléphone ensuite à ma douce moitié, qui vient me chercher dans l'heure.

Mercredi 26 mars, 9h, direction Peterbilt. Le délai de 72 heures est écoulé et je peux récupérer mon bolide. Une fois cela fait, je passe au comptoir douanier américain, ouvert de 6h à 22h, pour reprendre mon title. Aucun problème. Je me présente ensuite aux douanes canadiennes avec une montagne de papier et ma carte de crédit.

«Comment se fait-il que vous payiez aussi peu cher, me demande sèchement la douanière. Sur internet, un char de même, c'est 25 000$, pas 20 000$.»

Entre en jeu ma paperasse pour justifier le prix, notamment l'annonce du concessionnaire sur l'internet. J'obtiens finalement l'absolution et paie 1016$ de TPS, en plus du reste. L'agente me remet le formulaire d'importation de véhicule, estampillé. «Merci madame, vous êtes bien gentille!»

Je quitte les douanes, mais je ne suis pas au bout de mes peines. Dès mon arrivée à la maison, je dois expédier au RIV une lettre officielle attestant que ma Camry n'a fait l'objet d'aucun rappel aux États-Unis et si oui, que le problème a été corrigé. Télécopie ou courriel accepté.

Cette lettre est essentielle pour obtenir le formulaire du RIV qui me permettra de faire inspecter l'auto dans un centre d'inspection fédéral autorisé, un Canadian Tire près de chez nous.

J'expédie la lettre au RIV en quatrième vitesse, mais le RIV met six jours à me retourner par la poste le fameux formulaire d'inspection. Au sixième jour, j'apprends qu'ils peuvent m'envoyer le tout par courriel. Avoir su!

Le mercredi 2 avril, je peux enfin me rendre au Canadian Tire pour l'inspection, dont les frais sont inclus dans le 220$ payé au RIV à la douane. Je redoute un inspecteur pointilleux, qui exige de faire modifier ma belle Camry pour la rendre conforme aux normes canadiennes (phares de jour, ancrage pour siège de bébé, pare-chocs adaptés, etc.). Sur place, oh surprise, l'inspection dure moins de trois minutes et aucun changement n'est requis. Troisième étape terminée.

Après cette inspection, puis-je faire immatriculer ma voiture? Pas si vite! La SAAQ exige elle aussi une inspection et non, le centre d'inspection provincial autorisé n'est pas le Canadian Tire. Le centre est un garage Dodge, où il faut prendre rendez-vous cinq jours à l'avance tellement l'affluence est grande. Nouvelle étape, nouvelle attente, donc.

Lundi 7 avril, 14h. L'inspection provinciale devait être plus serrée, m'avait-on averti, mais finalement, ma Camry passe le test sans problème et aucune modification n'est requise. Vive Toyota!

Vers 15h, j'acquitte les frais de 85$ de l'inspection et roule à toute vitesse vers un bureau de la SAAQ. Sur place, lorsqu'on apprend que ma visite est liée à l'importation d'un véhicule, on m'envoie directement à un comptoir spécial, sans attente. J'y remets mon title américain, paie la TVQ et le tour est joué. En retour, j'obtiens la fameuse plaque «Je me souviens».

Voilà! Après 17 jours, je peux enfin disposer de ma voiture à ma guise...et profiter des économies réalisées.