Grave crise financière, krach boursier, début de récession... C'est plus qu'il n'en faut pour bousculer les résultats des principales banques canadiennes, qui doivent être publiés dans les prochains jours.

Grave crise financière, krach boursier, début de récession... C'est plus qu'il n'en faut pour bousculer les résultats des principales banques canadiennes, qui doivent être publiés dans les prochains jours.

En fait, cette fin d'exercice 2008 des banques, au 31 octobre dernier, s'annonce comme la plus décevante après plusieurs années records.

De l'avis d'analystes, le bénéfice net d'ensemble des banques devrait reculer d'au moins 5% au quatrième trimestre par rapport à la même période l'an dernier.

Et pour tout l'exercice 2008, il pourrait être en baisse de 0,5% par rapport à l'an dernier.

À prime abord, cette baisse paraît minime. Mais il s'agira du premier recul depuis six ans (exercice 2002), lorsque la Banque CIBC avait subi des pertes considérables dans ses filiales boursières.

Par ailleurs, même réduit, tout ce bénéfice bancaire pourrait coter encore au-dessus des 19 milliards, un seuil franchi il y a deux ans.

C'était alors en pleine période d'expansion économique, de boom immobilier et d'une Bourse très haussière au Canada.

Crise mondiale

Depuis, la crise du crédit qui a éclaté au grand jour aux États-Unis à l'été 2007 a dégénéré en crise financière mondiale.

Les banques canadiennes n'ont pu échapper à la vague de dévaluations majeures de titres de crédit, même si elles leur furent moins dommageables qu'aux États-Unis et en Europe.

Il y a un an, ces dévaluations forcées ne se comptaient encore qu'en centaines de millions de dollars au bilan des banques canadiennes.

Mais lors des trimestres suivants, ces dévaluations ont gonflé au fur et à mesure qu'empirait la crise financière.

D'autres annonces en ce sens sont appréhendées au cours des prochains jours.

Déjà la Banque Scotia, la semaine dernière, a déclaré une dévaluation additionnelle de 890 millions (595 millions après impôt) attribuable surtout aux contrecoups de la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, à la mi-septembre.

Résultat: pour tout l'exercice 2008, ces dévaluations forcées d'actifs financiers totaliseront au moins 6 milliards parmi les banques canadiennes, selon un relevé récent de l'analyste Kevin Choquette, spécialiste bancaire de Capitaux Scotia, à Toronto.

Le montant est considérable à première vue. Mais en comparaison des pertes énormes des banques américaines, européennes et britanniques, les banques canadiennes se tirent plutôt bien de la pire crise financière en trois quarts de siècle.

«Elles demeurent bien capitalisées, avec des bilans de qualité supérieure et une bonne diversification de leurs sources de revenus», résume M. Choquette dans une note à ses clients-investisseurs.

Malgré les effets de la crise financière, «les banques canadiennes maintiennent une capitalisation adéquate. Elles sont relativement bien positionnées pour faire face à une conjoncture d'affaires plus difficile», estime pour sa part Darko Mihelic, analyste bancaire principal aux Marchés mondiaux CIBC, à Toronto.

Et la suite? En fait, les dévaluations forcées et l'atrophie des revenus boursiers des derniers trimestres pourraient n'être que la première vague d'un retournement rapide de conjoncture pour les banques.

Après les effets de la crise financière, la récession menace maintenant l'économie canadienne, en ricochet de la situation américaine.

Dans le milieu bancaire, une récession se traduit habituellement par une compression rapide des résultats d'exploitation.

«La préoccupation des investisseurs envers les banques se détourne de leur bilan pour se diriger vers le risque d'affaires pour leurs prochains revenus et profits», souligne l'analyste John Aiken, spécialiste des banques de Dundee Capital Markets, à Toronto.

À Valeurs mobilières Desjardins, l'analyste bancaire Michael Goldberg a averti récemment ses clients-investisseurs que le «potentiel de profits des banques ne reviendra pas à la normale avant leur exercice 2011», en raison de la volatilité boursière et la détérioration de la conjoncture économique.

Dans l'immédiat, le premier impact attendu d'une récession sur les banques est le rehaussement rapide de leurs provisions pour créances douteuses.

Comme les dévaluations d'actifs, ces provisions, qui sont révisées de trimestre en trimestre, amputent le bénéfice net des banques.

Hausse des provisions

Or, parmi les analystes, on anticipe une hausse de ces provisions d'au moins un milliard de dollars au cours des prochains trimestres parmi les banques canadiennes.

En nombre absolu, il s'agirait d'un gonflement d'environ 20% du coût habituel des provisions pour créances douteuses.

En termes relatifs, toutefois, cette hausse demeure encore modeste: de l'ordre de 0,05% de l'ensemble du portefeuille de prêts des banques canadiennes.

Par ailleurs, notent des analystes, une récession plus grave que prévu pourrait forcer les banques à réduire leurs coûts de fonctionnement afin de protéger leur marge bénéficiaire.

Et comme ceux d'autres entreprises, les dirigeants des banques pourraient cibler d'abord leurs effectifs et leur réseau de succursales.

Des banques canadiennes ont déjà supprimé des emplois parmi leurs activités boursières où la rentabilité, naguère importante, s'est effondrée depuis un an.

«Avec la baisse de leurs revenus et, surtout, de leurs profits, les banques seront pressées de réduire leurs coûts et de supprimer des emplois au cours des prochains trimestres», s'attend John Aiken, analyste bancaire e Dundee Capital, à Toronto.