Le premier ministre chinois a sorti la plume en fin de semaine. Les nouvelles économiques qu'il avait à annoncer ne sont pas bonnes: l'année en cours sera «la pire dans un passé récent».

Le premier ministre chinois a sorti la plume en fin de semaine. Les nouvelles économiques qu'il avait à annoncer ne sont pas bonnes: l'année en cours sera «la pire dans un passé récent».

Cela, au moment où des premiers ministres canadiens, celui de l'Ontario en tête, viennent de débarquer là-bas pour tenter d'y brasser des affaires. Le point sur une croissance chinoise qui ralentit.

«Ça va ben mollo.»

L'architecte québécois Simon Péloquin, qui réside à Pékin depuis deux ans, a plus de temps pour respirer ces mois-ci. Un ralentissement forcé par un marché immobilier qui reprend son souffle.

«Avant, on était toujours la pédale dans le plancher. Là, c'est plus long. Les décisions (pour les nouveaux projets de construction) se prennent plus lentement», constate le vice-président directeur d'IBI Urban Project Consultants.

Tout un revirement de situation par rapport à l'an dernier, alors que les acheteurs faisaient la file pour être les premiers à mettre la main sur de nouveaux condos dans les grandes villes de la côte. Plus maintenant. Les Chinois étant persuadés que les prix vont baisser, ils attendent avant de placer leurs yuans durement gagnés dans la brique et le ciment.

Résultat, les prix ont diminué. Dans certaines villes côtières, on peut même parler de dégringolade, des rapports faisant état de baisses qui atteignent 40%. Les tours à condos se vendent moins facilement. «Les gens sont en mode attente», souligne encore M. Péloquin.

Cette attente, symptôme d'une croissance moins effrénée, ce n'est pas ce à quoi la Chine nous a habitués depuis sa réouverture au monde extérieur en 1978. Au troisième trimestre, la croissance a été de 9%. Il y a à peine un an, cette progression avait été de 11,9%. Et c'est le cinquième trimestre de suite que la croissance économique ralentit.

Dans une note publiée hier, Dong Tao, du Crédit Suisse, prévoit que la croissance du produit intérieur brut (PIB) atteindra à peine 5,8% au cours des trois derniers mois de cette année, suivie de 6% et 6,3% pour les deux premiers trimestres de 2009. «La croissance devrait rebondir dans la deuxième moitié de 2009 quand les investissements en infrastructure et d'autres mesures commenceront à avoir un impact», écrit-il.

Quant à la production industrielle, elle progresse déjà à sa cadence la plus lente en six ans.

Ces derniers jours, des entreprises chinoises ont fait état de diminution de production importante, comme Aluminium Corporation of China, qui réduit sa production de 18%. Il y a aussi Jinchuan, le plus grand producteur de nickel, qui prévoit la baisser de 17%.

En fin de semaine, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, celui qui est toujours présent en temps de crise pour calmer le peuple, a sorti la plume. Ses nouvelles n'étaient pas très rassurantes: «Nous devons être conscients que cette année est la pire dans un passé récent pour notre développement économique», a-t-il écrit dans le Qiushi, un journal du Parti communiste. «Les soubresauts de la finance mondiale et le ralentissement économique empirent. Les pressions inflationnistes restent importantes alors que le prix du pétrole est toujours élevé malgré des corrections.»

Évidemment, on est encore loin du ralentissement américain, mais la décélération chinoise est suffisamment importante pour forcer le gouvernement et la banque centrale à bouger. Celle-ci a réduit ses taux pour la troisième fois en deux mois la semaine dernière.

«Cette réduction de taux souligne encore davantage la détermination des autorités à prendre des mesures énergiques pour prévenir un atterrissage douloureux de l'économie», a commenté Wang Qing, l'économiste en chef pour la Chine chez Morgan Stanley dans un entretien à Bloomberg. «On s'attend maintenant à quatre autres baisses de taux en 2009.»

Les régions rurales vont attendre

Pour l'heure, la Chine peut donc oublier la croissance à deux chiffres. «C'est un résultat de la crise financière mondiale, explique à La Presse Affaires Jennifer Richmond, directrice des affaires chinoises chez Stratfor, une firme de consultants texane. Leur économie est encore très dépendante des exportations. Il n'y a aucune manière de faire un virage à 180 degrés assez rapidement pour faire progresser la demande intérieure.»

En fait, explique-t-elle avant de se rendre en Chine comme elle le fait tous les deux mois, la crise financière mondiale est arrivée à un bien mauvais moment pour la Chine, qui tente de transformer son économie.

Cette transformation passera par une plus grande importance de la consommation locale et par une croissance plus importante dans les régions rurales, loin de la côte, qui donnent parfois l'impression de vivre dans un autre siècle. Mais cette transformation devra attendre.

«Sans la crise financière, ça leur aurait pris du temps (le développement des régions rurales), dit-elle, avec des problèmes ici et là, mais ça aurait été leur gros projet... Mais là, ce ne sera pas leur accent pendant la crise actuelle.»

L'économiste de Crédit Suisse croit aussi que ce nécessaire démarrage des régions rurales ne se fera pas en criant ciseau. «Nous nous attendons à trois ou cinq ans de croissance sous la moyenne (de plus de 10% des dernières années) jusqu'à ce que le prochain super facteur, probablement la consommation rurale, commence à émerger.»

Malgré ce ralentissement prononcé, Crédit Suisse ne croit pas que la Chine ralentira sous les 6%... c'est déjà beaucoup mieux que la plupart des autres économies.