L'Ontario touchera des paiements de péréquation pour la première fois de son histoire l'an prochain, une situation que l'on jugeait impensable tant à Ottawa qu'à Toronto il y a à peine trois ans.

L'Ontario touchera des paiements de péréquation pour la première fois de son histoire l'an prochain, une situation que l'on jugeait impensable tant à Ottawa qu'à Toronto il y a à peine trois ans.

L'Ontario, qui a toujours été historiquement le moteur de l'économie canadienne, se joindra donc à partir du 1er janvier aux provinces comme le Québec, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard qui reçoivent de l'aide dans le cadre du programme fédéral de péréquation pour financer leurs programmes.

Le programme de péréquation a été créé en 1957 et permet aux gouvernements provinciaux moins prospères de fournir à leurs résidants des services publics comparables à ceux d'autres provinces, à des taux d'imposition comparables. L'objectif du programme est inscrit dans la Constitution canadienne depuis 1982.

Les paiements de péréquation sont inconditionnels -les provinces bénéficiaires peuvent les utiliser à leur discrétion selon leurs propres priorités. Cette année, six provinces se partagent 13,6 milliards de dollars.

Signe indéniable que l'économie pique du nez dans la province la plus populeuse, l'Ontario recevra donc 347 millions de dollars l'an prochain et cette somme sera encore plus importante en 2010, selon le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty.

Le Québec recevra pour sa part 8,35 milliards de dollars, le Manitoba 2,1 milliards, la Nouvelle-Écosse 1,57 milliard, le Nouveau-Brunswick 1,69 milliard et l'Île-du-Prince-Édouard 340 millions.

M. Flaherty a confirmé cette triste nouvelle au sujet de l'Ontario hier en rencontrant ses homologues provinciaux à Toronto afin de faire le point sur la situation économique au pays et discuter de l'avenir du programme de péréquation.

«Est-ce que cette situation m'inquiète? Oui, absolument cela m'inquiète. Je suis un Ontarien et cela ne me réjouit pas. Mais la réalité, c'est que l'Ontario a droit à ce programme et recevra des sommes importantes. C'est regrettable, mais je pense que l'Ontario sera un récipiendaire de programme de péréquation pour quelque temps», a affirmé M. Flaherty.

En avril, un rapport rédigé par la Banque Toronto-Dominion prédisait que l'Ontario pourrait toucher tout près de 400 millions de dollars en paiements de péréquation en 2010-2011 et que ces paiements pourraient frôler les 1,3 milliard de dollars l'année suivante.

Dans les années 70, l'Ontario était admissible au programme de péréquation, mais la province avait finalement rejeté l'idée d'en être bénéficiaire. Mais cette fois-ci, le ministre des Finances de l'Ontario, Dwight Duncan, a bien l'intention d'empocher cette somme, d'autant qu'il annonçait il y a deux semaines que la province affichera un déficit d'au moins 500 millions de dollars au cours du présent exercice financier qui prend fin le 31 mars 2009 à cause du ralentissement de l'économie.

Selon le ministre Flaherty, le secteur manufacturier de l'Ontario a été durement affecté par la force du dollar canadien et le ralentissement de la demande aux États-Unis.

«Cela fait bizarre de voir l'Ontario dans une telle situation difficile. Nous devons travailler ensemble afin de stimuler l'économie», a dit M. Flaherty, qui a été ministre des Finances de la province dans les années 90.

M. Flaherty a par ailleurs confirmé que le gouvernement Harper compte limiter la croissance prévue du programme de paiements de péréquation, qui a augmenté à un rythme de près de 15% par année dernièrement. Selon le grand argentier du pays, cette hausse est tout simplement insoutenable.

Ainsi, les sommes versées aux provinces dans le cadre du programme seront augmentées à partir de l'an prochain à un rythme qui ne dépassera pas celui de la croissance économique.

Cette décision d'Ottawa a fait bondir de colère le ministre des Finances de l'Ontario, Dwight Duncan, qui a dit juger déplorable que l'on limite la croissance du programme alors que sa province est sur le point d'en bénéficier après y avoir contribué pendant si longtemps.

«Il semble bien, à première vue, que nous n'allons pas y avoir droit très longtemps si l'on se fie aux contraintes qu'ils veulent imposer», a-t-il dit.

Mais la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, a dit juger a priori «raisonnable» la nouvelle formule de calcul proposée par Ottawa. Cependant, elle n'a pu s'empêcher d'exprimer son inquiétude de voir la province voisine, l'Ontario, vivre des jours aussi difficiles. «Si l'Ontario souffre, le Québec souffre parce que nous exportons énormément en Ontario», a-t-elle affirmé.