La Bourse canadienne couve des pertes de 435 milliards. Des pertes théoriques, non réalisées. C'est comme si tous ceux qui détiennent des actions présentement avaient perdu 28% par rapport à leur prix d'achat.

La Bourse canadienne couve des pertes de 435 milliards. Des pertes théoriques, non réalisées. C'est comme si tous ceux qui détiennent des actions présentement avaient perdu 28% par rapport à leur prix d'achat.

Voilà qui attisera certainement les «ventes de feu», un exercice classique de fin d'année pour les investisseurs qui veulent utiliser leurs pertes en capital afin de réduire leur facture d'impôt.

«Il y a des gens qui commencent à regarder ça de près. Ça va leur permettre d'atténuer un peu les répercussions du repli du marché», confirme Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez Ernst&Young.

Surtout que la Bourse canadienne a été très généreuse depuis 2001. Les investisseurs ont réalisé des gains importants, particulièrement ceux qui détenaient des sociétés emportées par la vague de fusion et acquisition, comme Alcan, Emergis, Axcan, et BCE dont la clôture est prévue pour le 11 décembre. «Les déclarations de revenus des trois dernières années contiennent beaucoup de gain en capital», indique M. Leblanc. Les contribuables ont dû payer l'impôt sur ces gains. Mais en encaissant leurs pertes cette année, ils pourront recevoir un remboursement du fisc. De là tout l'intérêt de matérialiser leurs pertes en capital.

Or, ce flot de ventes accentuera la pression sur les titres déjà écorchés, au moins jusqu'à la mi-décembre. Chaque année, Pierre Lapointe, stratège adjoint à la Financière Banque Nationale, dresse la liste des actions les plus à risques.

Pour ce faire, il évalue le prix moyen payé par les investisseurs qui détiennent présentement les titres.

D'abord, il détermine le nombre de jours ouvrables nécessaires pour que toutes les actions d'une société changent de mains. Par exemple, 149 jours pour Nortel Networks. Ensuite, il calcule le prix moyen du titre durant cette période, en le pondérant en fonction du volume de transactions quotidien.

Il parvient ainsi à déterminer que les actionnaires actuels de Nortel ont payé 6,19$ pour un titre qui ne vaut plus que 1,33$. S'ils se débarrassaient de leurs actions, ils encaisseraient une perte de 79%. C'est la «perte en capital non réalisée» qui dort dans le portefeuille des investisseurs.

Des pertes monstres

Cette année, l'exercice a fait ressortir des pertes monstres totalisant 435 milliards pour l'ensemble de la Bourse. «Je n'ai jamais vu une année si mauvaise que ça. Vraiment pas», avoue M. Lapointe.

L'an dernier par exemple, Cott était le seul titre accusant une perte latente de plus de 50% parmi les quelque 250 titres de l'indice S&P/TSX composé de la Bourse de Toronto. Cette année, on en dénombre 85!

Une trentaine de titres affichent même des pertes supérieures à 70%. Il s'agit surtout de petites sociétés de ressources naturelles: des aurifères, des producteurs de cuivre, des entreprises du secteur de l'énergie... D'ailleurs, c'est le titre de la société d'uranium UEX qui accuse la pire perte latente de l'indice, soit 88% de la valeur de son titre.

Mais plusieurs grands noms comme Research in Motion et Potash couvent aussi des pertes de plus de 50%.

Du côté des sociétés québécoises, les pertes sont très prononcées dans le secteur du transport (ACE, Transat, Transforce) et de l'aéronautique (CAE, Bombardier).

En fait, bien peu d'entreprises échappent à la liste. Dans tout l'indice S&P/TSX, seules six n'accusent pas de pertes latentes, dont la Banque Laurentienne et Saputo.

Quoi vendre?

Voyons le beau côté des choses: ce n'est pas le choix qui manque pour les investisseurs qui cherchent à réaliser des pertes en capital.

Alors, quoi vendre? Il y a beaucoup de titres de petites entreprises parmi les sociétés qui renferment des pertes en capital non réalisées. «Dans un environnement comme celui qu'on a, il faudra beaucoup de temps avant que les titres des sociétés à faible valeur boursières remontent», estime Jean-Paul Giacometti, vice-président de Gestion de placements Claret. Voilà donc une piste.

Sinon, quoi d'autre? Peut-être des titres de ressources naturelles, suggère M. Lapointe. Même si la Bourse rebondit, il doute que les ressources naturelles soient les premières à repartir. Leurs titres pourraient végéter encore longtemps, dans un contexte de récession mondiale.

Mais les investisseurs doivent garder à l'esprit qu'il ne faut pas gérer son portefeuille en fonction de l'impôt. Pour M. Giacometti, la vraie question à se poser avant de vendre un titre est la suivante: «Si vous ouvriez un nouveau compte aujourd'hui, avec de l'argent frais, est-ce que vous achèteriez les mêmes titres?»

Si la réponse est non, il est temps de faire le ménage... et de profiter de la perte en capital.